L’activiste islamiste Mohamed Hentati estime, dans une vidéo mise en ligne hier soir, jeudi 6 août 2020, que l’organisation paramilitaire secrète du parti islamiste Ennahdha est bien entraînée et déployée dans toutes les régions de la Tunisie et qu’elle est même sur le point de passer à l’action pour prendre le pouvoir dans le pays.
Par Imed Bahri
Mohamed Hentati, ancien militant d’Ennahdha ayant fait la prison sous le régime de Ben Ali, devenu après la révolution de 2011 l’un des plus redoutables adversaires du parti islamiste tunisien, est généralement un homme bien informé. Devenu un activiste islamiste très médiatisé et que s’arrachent les chaînes de télévision en quête d’audience, il n’est pas du genre à changer constamment de position. Homme de conviction, fervent musulman mais hostile à Ennahdha et aux Frères musulmans dont le parti islamiste tunisien est une filiale, l’homme a de la suite dans les idées.
Des révélations qui nécessitent une vérification et, le cas échéant, une réaction rapide
Cependant, soupçonner Mohamed Hentati de vouloir régler de vieux comptes avec ses anciens «frères musulmans», et cela est possible, ne saurait justifier que l’on reste indifférents à ses révélations d’hier soir et qui devraient normalement mettre la puce à l’oreille à tous les hauts responsables de la sûreté, de l’armée et de la justice.
Le président de la république Kaïs Saïed et le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh devraient eux aussi accorder tout l’intérêt requis aux révélations de Mohamed Hentati, les vérifier par les différents services de l’Etat et, le cas échéant, réagir avant qu’il ne soit trop tard.
Que nous apprend l’activiste islamiste ? Il nous dit que les dirigeants d’Ennahdha sont aux abois et qu’ils se méfient beaucoup du président Saïed, qui ne les porte pas dans son cœur (c’est un euphémisme), et du chef de gouvernement désigné Hichem Mechichi, lequel semble déterminé à constituer un gouvernement de compétences nationales indépendantes des partis. Or, les dirigeants d’Ennahdha ont de bonnes raisons de vouloir rester au cœur du pouvoir, c’est-à-dire, dans le gouvernement, de crainte de voir quelque dossier de corruption impliquant l’un d’entre eux activé par la justice.
Aussi ont-ils mis en branle leur organisation secrète paramilitaire, qui est dirigée par le député Saïd Ferjani, mais sous la responsabilité politique directe de Rached Ghannouchi, président du parti et de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Cette organisation dispose d’unités paramilitaires dont les membres sont très entraînées et déployés dans toutes les régions du pays, notamment dans les quatre gouvernorats du Grand-Tunis : Tunis, Ariana, Manouba et Ben Arous ; et à Kairouan, au centre du pays, pour les unités les plus importantes et les mieux dotées en hommes et en moyens logistiques.
Des miliciens armés à l’intérieur adossés à des unités d’élite turques à la frontière avec la Libye
Ces miliciens manient tous les armes à feu mais ils sont tenus de ne compter, dans une première étape, que sur leur grande maîtrise des arts martiaux et des armes blanches (épées, poignards, haches, matraques, etc.). Ils peuvent, cependant, en cas d’extrême nécessité, et si le plan A ne réussit pas, recourir aux armes à feu contre les corps constitués (en civil ou en uniforme) et même contre les unités de l’armée, explique Mohamed Hentati, qui avertit : il y a péril en la demeure, car les dirigeants d’Ennahdha, qui sont au service d’un plan régional maghrébin de prise de pouvoir par les islamistes, concocté par le tandem Qatar (pour le financement et l’appui médiatique) et la Turquie (pour l’aspect logistique et militaire), sont prêts à tout pour ne pas se trouver, pour la première fois depuis 2011, hors du pouvoir.
Pour appuyer les Nahdhaouis militairement, Mohamed Hentati assure que la Turquie a disposé 3600 militaires à l’ouest de la Libye, à la frontière sud de la Tunisie, dont 600 commandos spécialisés dans les opérations éclair, terrestres, maritimes et aériennes. L’activiste islamiste va même plus loin en affirmant que ces unités d’élite sont mises par le président turc Recept Tayyip Erdogan sous l’autorité directe de Rached Ghannouchi, qui, le jour J., et en cas de besoin, devra décider de l’heure et de la nature de leurs interventions en Tunisie.
Mohamed Hentati affirme détenir des informations encore plus précises sur les plans d’Ennahdha et notamment des listes de noms qu’il se garde d’ébruiter, en tout cas pour le moment, et qu’il met à la disposition des autorités compétentes tunisiennes, si celles-ci les lui demandent.
Bien entendu, nous reprenons ces données avec toutes les réserves d’usage, n’ayant pas nous-mêmes les moyens d’en vérifier le bien-fondé, mais il serait suicidaire de les écarter d’un revers de la main et de ne leur donner aucun crédit. La menace, si menace il y a, doit être contrée à temps et une première réaction de l’Etat nous semble se justifier amplement : la police judiciaire doit auditionner l’intéressé, vérifier la crédibilité de ses révélations et décider, éventuellement, des suites à leur donner.
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