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L’espace culturel El Makhzen menacé de fermeture, quel avenir pour la culture alternative ?

L’espace culturel El Makhzen à Bab Souïka à la Médina de Tunis est menacé de fermeture à l’instar d’autres espaces indépendants. Le ministère des Affaires culturelles ratera-t-il encore une occasion pour soutenir la culture de proximité ?

Par Fawz Ben Ali

Il avait ouvert ses portes en 2006 au cœur de la Médina dans le quartier de Bab Souïka, l’espace culturel indépendant El Makhzen géré par l’acteur Mohamed Ali Ben Jemaa offre depuis une bonne dizaine d’années un vrai accès à l’art pour les jeunes du quartier où –on l’imagine bien– l’offre culturelle se fait très rare.

Le rôle primordial de la culture de proximité

Mohamed Ali ben Jemaa, qui avait hérité ce vieux dépôt de son père, a choisi de le transformer en un espace de rencontres, d’échange et d’apprentissage où se côtoient artistes de tous horizons et habitants du quartier, notamment les jeunes qui ont trouvé en ce lieu une échappatoire à leurs soucis du quotidien.

El Makhzen propose des ateliers, des spectacles, des projections, des expositions… un programme pluridisciplinaire entre théâtre, danse, arts plastiques, cinéma, musique… avec un coin de lecture et une salle de spectacles. Ce fut en effet un défi de taille pour défendre ce qu’on appelle la culture de proximité qui mise sur le développement local à travers la démocratisation de l’accès à la culture, notamment dans les quartiers populaires.

Mohamed Ali Ben Jemaa et son équipe ont réussi à relever le défi de transmettre leur savoir-faire et leur passion à des enfants et des jeunes de différents âges. Mais il faut se rendre à l’évidence, résister en solo dans l’aide des autorités publiques s’avère très difficile, voire impossible, c’est en effet le cas d’E Makhzen qui depuis trois ans rame pour trouver les fonds nécessaires à sa survie.

El Makhzen

Depuis l’année 2017, la Commission d’octroi des subventions de gestion des espaces culturels relevant du ministère des Affaires culturelles a cessé de verser de l’aide financière à l’espace, «sans la moindre explication», précise le gérant qui a refusé d’abord de baisser les bras et qui s’est débrouillé tant bien que mal pour assurer la continuité de ses activités, mais aujourd’hui, Mohamed Ali Ben Jemaa capitule, El Makhzen est sérieusement menacé de fermer définitivement ses portes.

L’absence du ministère des Affaires culturelles

Il faut dire que la crise par laquelle passe El Makhzen est loin d’être un cas isolé. En 2017, le cinéaste Moncef Dhouïb avait aussi annoncé que le Cinévog au Kram était contraint de fermer par manque de soutien de la part de l’Etat; l’espace Mass’Art à Bab Laassal avait connu les mêmes difficultés en 2015 et cette année encore il a dû annuler son festival annuel «Houmetna Fanena» par manque de moyens financiers.

Au lieu de soutenir ce genre d’initiatives indépendantes qui font un immense travail de terrain avec les jeunes des quartiers, le ministère des Affaires culturelles préfère fermer l’œil de ce côté et investir plutôt de gros budgets dans les manifestations de gros calibre qui misent beaucoup plus sur le divertissement que sur la culture et qui s’adressent essentiellement à un public privilégié.

La ministre Chiraz Laatiri reçoit Mohamed Ali Ben Jemaa/

En oubliant les zones blanches, le ministère a failli encore une fois à sa mission de garantir une réelle culture de proximité alors qu’elle constitue l’un des premiers remparts contre la menace de la délinquance et l’obscurantisme.

Après avoir annoncé la fermeture de son espace sur sa page officielle, Mohamed Ali Ben Jemaa a reçu une énorme vague de soutien de part de beaucoup d’artistes et des habitués d’El Makhzen, appelant le ministère à réagir. Chose faite, la ministre Chiraz Laatiri a reçu l’artiste en lui promettant d’apporter le soutien nécessaire à la survie de son espace. Ben Jemaa semble être rassuré, pour l’instant en tout cas.

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