Le Cap Bon, une superbe péninsule située au nord-est de la Tunisie, est en train d’être défigurée d’année en année. L’arrière pays de cette péninsule d’une richesse et d’une beauté inouïes, d’une longueur de 80 kms et d’une largeur comprise entre 20 et 50 kilomètres est carrément balafré, découpé, violé, massacré par un aménagement de territoire catastrophique.
Par Hakim Tounsi *
Cet aménagement de territoire chaotique multiplie les routes déchirant la campagne, morcelant les terres agricoles au lieu de les remembrer pour former de grandes parcelles afin de promouvoir l’agriculture, préserver et embellir davantage cette nature généreuse.
L’arrière-pays a été déchiré déjà il y a quelques dizaines d’années par le gazoduc qui vient d’Algérie, traverse la Tunisie via le Cap Bon pour se jeter dans la mer sur les splendides plages d’El-Haouaria afin de rejoindre l’Italie et l’Europe. À cette occasion le Cap Bon avait été éventré par des machines gigantesques qui y ont creusé un fossé colossal (80 kms de long, une cinquantaine de mètres de large et une vingtaine de mètres de profondeur) avant d’être refermé sur ce fameux gazoduc qui se termine par la station de pompage d’El-Haouaria. Un chantier qui a duré une dizaine d’années et qui a occasionné la création de routes en pleine campagne pour le contrôle et l’entretien de ce gazoduc.
Tous les ans, de nouvelles routes inutiles sont créées
Le massacre de l’arrière-pays continue et tous les ans je relève la création de nouvelles routes inutiles qui quadrillent le périmètre à la pointe du Cap Bon compris entre Kelibia, El-Haouaria, Menzel Temime et Zaouiet Boukrim. Un périmètre enclavé entre les splendides plages de Kelibia, de Hammam Ghezaz et d’El Haouaria des côtes sud et est de la péninsule et du beau littoral aux eaux profondes et poissonneuses de Sidi Daoud allant d’El-Haouaria à Korbous.
L’intérieur du pays comprend deux immenses forêts. La forêt de Dar Chichou allant de la plage d’Oued El Ksab à la plage de Boukrim en passant par Azmour et la forêt de Meroua de Rtiba à Bir Dressen.
Cette région du Cap Bon au lieu de continuer à constituer une réserve agricole et naturelle se voit aujourd’hui agressée du côté de son littoral par des constructions sauvages illégales qui défigurent le paysage et rongent définitivement le domaine maritime et se voit agressée aussi à l’intérieur de ses terres par des routes qui morcellent ses domaines, désertifie son terroir et répand une pollution dans une région qui fut le poumon de la Méditerranée verte et arborée.
Une réserve agricole et naturelle continuellement agressée
Souvenons-nous de la catastrophe écologique déjà subie par cette région avec le dessèchement sauvage de l’énorme étang d’eau d’El-Haouaria au lendemain de l’indépendance de la Tunisie. Garzat El-Haouaria s’étendait sur des kilomètres carrés et constituait une énorme réserve naturelle d’eau qui alimentait la nappe phréatique de tout le Cap Bon. Son contenu d’eau a été déversé à la mer toute proche par la création de canaux et son périmètre à été accaparé par ceux qui ont en réclamé la propriété. Cette immense réserve naturelle d’eau constituait le point d’arrivée et de vie en Afrique du Nord de milliers d’espèces d’oiseaux migrateurs disparus depuis à jamais de nos contrées et pour certaines elles ont disparu à jamais de la planète.
C’est pour toutes ces raisons que je lance cette alerte de sage, moi qui ai grandi dans cette région que je connais au centimètre carré près, en terre et en mer (connaissance de chasseur et plongeur depuis plus d’un demi-siècle).
Bougeons-nous, remuons-nous, sauvons notre pays !
Je lance une alerte à la population pour qu’elle prenne conscience elle qui constate une prolifération dans sa région de maladies graves comme les cancers, un appel aux autorités et, plus précisément à l’agence chargée de l’aménagement du territoire pour lui demander ce qu’elle est en train de faire du Cap Bon !
Je lance un cri d’alarme à la société civile, aux associations, aux représentants de partis politiques pour leur demander d’agir pour stopper ce massacre. Qui finance ces routes intérieures inutiles qui balafrent le Cap Bon alors que les routes principales reliant les grandes métropoles entre elles et à la capitale sont de véritables dangers qui tuent des centaines et des centaines d’usagers par an et quand le Cap Bon ne compte pas un seul rail pour le transport ferroviaire ni pour passagers ni pour marchandises.
Il est où le sursaut de la Tunisie. Elle est où cette révolution dont on parle quand le pays nous fuit entre les mains et que les cafés sont jonchés d’oisifs de jour comme de nuit.
Bougeons-nous, remuons-nous, sauvons notre pays, protégeons notre patrimoine, protégeons nos enfants.
* Dirigeant-fondateur du TO Authentique Voyages à Paris.
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