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Pourquoi Ben Ali est-il encore si présent dans le cœur des Tunisiens ? (Vidéo)

Beaucoup de Tunisiens sont nostalgiques de la période de règne de l’ancien dictateur Zine El-Abidine Ben Ali. Et pour cause, sous son règne, même s’ils ne pouvaient pas s’exprimer librement, leur situation était globalement meilleure. Aujourd’hui, 10 ans après son départ, ils se sentent abandonnés et leur mépris pour ceux qui ont gouverné le pays au cours des 10 dernières années n’en est que plus grand. Ce bégaiement de l’histoire est un camouflet pour toute la classe politique issue de la révolution, désormais maudite par beaucoup de Tunisiens.

Par Imed Bahri

Il y a quelques jours, des Citoyens de Beni Khiar, petite ville agricole du Cap Bon (gouvernorat de Nabeul)), ont protesté pour attirer l’attention des autorités sur la précarité de leur situation. Cela n’a rien d’extraordinaire, c’est même devenu le quotidien des Tunisiens un peu partout dans le pays, qui passent plus clair de leur temps à protester, puisque beaucoup ne travaillent pas et vivotent dans la précarité.

Le «retour» inattendu de Ben Ali

Ce qui est nouveau, en revanche, et mérite d’être souligné, c’est de voir des gens ordinaires, de tous âges, des femmes et des hommes, sans appartenance politique visible, agiter le portrait de l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali et scander son nom, en priant Dieu qu’il l’ait en sa miséricorde.

C’est là, on l’a compris, l’expression d’un profond sentiment de dépit et de désespoir, et d’une volonté claire de dire à ceux qui ont gouverné le pays depuis la chute de l’ancien président, le 14 janvier 2011, qu’ils ont échoué à le faire oublier et à l’extirper du cœur de beaucoup de Tunisiens.

Les manifestants ne se sont d’ailleurs pas contentés de dire tout le bien, qu’il pensent de Ben Ali, sous le règne duquel leur situation était bien meilleure de tout point de vue; ils ont aussi stigmatisé les gouvernants actuels, qu’ils ont qualifiés de corrompus et de criminels, ne pendant qu’à leurs propres intérêts et ceux des leurs et s’enrichissent aux dépens du peuple.

Le fait que cela se passe à Béni Khiar, ville dont est originaire l’actuel président de la république Kaïs Saïed, ajoute encore du piment à la scène.

Des acquis réels et concrets aux bavardages inutiles et superflus

Dans l’esprit des protestataires, la comparaison entre les deux hommes est, on l’imagine, largement en faveur de l’ancien dictateur dont on devra un jour reconnaître les réalisations, notamment une croissance économique moyenne de 5% durant ses vingt-trois ans de règne et un intérêt permanent pour les couches les plus démunies, et l’actuel président, le professeur de droit constitutionnel complètement déconnecté de la réalité, qui se gargarise de mots, n’arrête pas de parler de complots, guerroie contre des fantômes et, dès qu’il s’agit de problèmes concrets à régler, se défile et se met à regarder ailleurs ou à désigner de faux coupables.

Bref, M. Saïed veut tous les pouvoirs pour lui, empiète sur ceux du chef du gouvernement, mais il ne se sent responsable de rien du tout : la cause de tous les problèmes ce sont toujours les autres, lui n’a rien d’autre à faire au Palais de Carthage que de pérorer sur les tribunes.

Ne cherchez pas ailleurs la raison de la montée irrépressible dans les sondages de Abir Moussi et de son Parti destourien libre (PDL), qui se réclament ouvertement de l’ancien régime et abhorrent, tout aussi ouvertement, le régime issu de la révolution de 2011. Beaucoup de Tunisiens, déçus et désenchantés, voteront sans doute pour elle et son parti en 2024, ou tout au moins… contre le système toxique et corrosif né le 14 janvier 2011, qui n’a pas fini de détruire tout ce que les Tunisiens ont construit depuis l’indépendance de leur pays en 1956 .

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