Erdogan, le chef de file des islamistes, veut habiller sa guerre d’influence contre la France d’un habit religieux. Et cette guerre, dont la Méditerranée est le théâtre, il veut la présenter à l’opinion publique arabo-musulmane comme une guerre sainte. Ce piège, une grande partie de cette opinion publique, versatile, ignorante et manipulable à souhait, y est tombée, y compris en Tunisie, dont est originaire l’auteur de la dernière attaque terroriste de Nice.
Par Chedly Mamoghli
Le maréchal Foch, grand stratège militaire, avait coutume de dire avec son esprit clair et précis avant de se pencher sur n’importe quel problème et ce afin de ne pas s’égarer dans tous les sens: «De quoi s’agit-il ?».
Aujourd’hui avec cette histoire des caricatures du prophète Mohamed, il faut d’abord commencer par se dire: «De quoi s’agit-il ?». Et bien il y a un élément essentiel que beaucoup de Tunisiens et ressortissants du monde arabo-musulman ignorent car beaucoup connaissent la France mais ne connaissent pas la mentalité française et l’Histoire de ce pays.
Les catholiques n’ont rien à avoir avec les caricatures de Mohamed
Cet élément est le suivant: en France, il y a un courant qui remonte au moins à deux siècles qui est profondément anticlérical (contre le clergé c’est-à-dire l’Église et surtout l’Église catholique) et plus généralement antireligieux, ce courant séculaire qui a transcendé les générations et a donné lieu à une tradition anticléricale et antireligieuse a réclamé le droit au blasphème et l’a obtenu. Ce courant a connu et a livré des batailles à l’Église catholique pendant deux siècles mais n’a jamais baissé les bras et a toujours continué. ‘‘Charlie Hebdo’’ se réclame de ce mouvement anticlérical, antireligieux et qui réclame le droit au blasphème et assume le blasphème. Le magazine humoristique s’inscrit fortement dans cette lignée.
Ce courant qui est athée (et qui n’a rien à voir avec le catholicisme) veut faire à l’islam ce qu’il a fait aux catholiques durant deux siècles. Et cela, la majorité écrasante des Tunisiens, des ressortissants des pays arabo-musulmans et surtout des fanatiques dogmatisés ne connaissent pas. Ils connaissent peut-être la France mais pas la mentalité française. Pour eux, tous les Occidentaux sont des catholiques, tous les Français sont catholiques et les journalistes et caricaturistes de ‘‘Charlie Hebdo’’ sont des catholiques qui font la guerre à l’islam.
C’est pour cette raison qu’ils croient à la guerre entre les religions, veulent nous y embarquer et se vengent dans les Églises (attaque d’hier, 30 octobre 2020, dans la cathédrale de Nice et assassinat du père Hamel dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray en 2016) or les catholiques n’ont rien à voir dans cette histoire des caricatures. Déjà qu’un meurtre – même celui de l’auteur des caricatures – est injustifiable et inacceptable, que dire alors des catholiques qui n’ont rien à voir dans cette histoire!
La guerre d’influence France/Turquie transformée en guerre des religions
Maintenant, un deuxième «De quoi s’agit-il ?» s’impose. Il concerne ce bras-de-fer France-Turquie. Et bien, de quoi s’agit-il? Il s’agit d’une guerre d’influence entre deux puissances historiques du bassin méditerranéen. Les divergences sont multiples et concernent plusieurs dossiers: l’Otan, dont elles sont toutes deux membres, la Libye, la Méditerranée orientale, et l’influence française au Maghreb (la Turquie d’Erdogan veut la démanteler et s’y substituer).
Donc nous sommes là face à une guerre d’influence France/Turquie, c’est de l’ordre de la géopolitique et ça n’a rien à voir ni avec les caricatures ni avec les religions.
Cependant pour remporter cette guerre d’influence, Erdogan – grand manipulateur devant l’Éternel – instrumentalise la religion et l’histoire des caricatures et prétend qu’il y a une guerre livrée à l’islam par l’Occident des croisés («al-gharb assalibi», expression chère aux islamistes) et menée par la France (alors que la France n’est plus la fille aînée de l’Église depuis belle lurette) dans l’espoir de mobiliser de son côté les musulmans du bassin méditerranéen et d’ailleurs mais aussi ceux installés en Europe et d’isoler ainsi la France et l’affaiblir.
Bref, Erdogan veut habiller sa guerre d’influence contre la France d’un habit religieux. Il ne le prononce pas verbatim mais il appelle au djihad contre la France. Sa guerre d’influence contre ce pays, il veut la présenter à l’opinion publique arabo-musulmane comme une guerre sainte.
Pour conclure, je voudrais dire ma solidarité avec les catholiques, mon amitié envers la France et mon refus de tomber dans le piège tendu par les islamistes et leur chef de file à l’international Erdogan de nous embarquer dans cette guerre des religions.
* Juriste.
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