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Mechichi et les Tunisiens en situation irrégulière à l’étranger

Lors de sa visite, cette semaine, en France, le chef de gouvernement Hichem Mechichi a fait une malencontreuse déclaration médiatique où il a mis tous les Tunisiens en situation irrégulière à l’étranger dans le même sac avec… les terroristes. Or, la plupart d’entre eux n’ont pas trouvé leur chance dans leur pays et cherchent et méritent une deuxième chance ailleurs.

Par Elyes Kasri *

Quand le chef de gouvernement Hichem Mechichi associe la migration irrégulière au terrorisme, il se met, peut-être involontairement, du côté des thèses xénophobes de l’extrême droite française et européenne.

Par expérience, lorsque j’étais ambassadeur en Allemagne, j’ai tout fait avec mes collègues à l’ambassade pour battre en brèche cette association même après l’horrible attentat commis par le Tunisien Anis Amri, le 19 décembre 2016, contre un marché de Noël en plein cœur de Berlin.

Une phrase à l’époque avait surpris mes interlocuteurs allemands et avait provoqué un processus de réévaluation jusqu’au niveau de la chancellerie. Mes collègues diplomates pourront certifier la véracité de mes propos à ce sujet.

La récompense du risque encourue

J’avais dit aux responsables allemands que si le capitalisme est fondé sur la récompense du risque, ces jeunes Tunisiens ont quitté leur pays faute de perspectives et ont couru un grand risque. Leur arrivée en Allemagne représente pour eux la première récompense du risque pris en faisant cette traversée périlleuse.

J’ai ajouté que ce goût du risque peut être mis à contribution par l’Allemagne pour en faire des contribuables productifs. Pour ceux dont l’intégration pourrait sembler problématique et après épuisement des voies de recours, nous pourrions envisager d’encourager leur retour volontaire avec une prime, une petite enveloppe en espèces et le reste en finançant un cycle annuel de formation professionnelle et une aide au lancement d’entreprise ou en contribuant à l’autofinancement d’un projet économique avec l’assistance de la BFPME tunisienne et de la GIZ allemande.

J’avais pris soin de souligner que ceux qui seraient forcés au retour sans perspective d’intégration socioprofessionnelle (sauf ceux soupçonnés de terrorisme qui seront pris en charge par les services tunisiens) pourraient devenir des recrues faciles pour les réseaux de contrebande et de terrorisme ou de migration illégale avec une rancune pour la précédente expulsion et peut-être même un désir de vengeance.

Le soutien allemand à ces idées m’a été confirmé personnellement par le conseiller diplomatique et sécuritaire de la chancelière Angela Merkel. Par la suite, l’administration tunisienne a pris la relève avec des résultats qui auraient pu être meilleurs.

D’autre part, lors de la visite de la chancelière à Tunis, intervenant trois mois après l’horrible attaque terroriste commise par le Tunisien Amri à Berlin, j’ai assisté, le 3 mars 2017, à une réunion dans l’Etat de Thuringe avec des responsables du gouvernement local et des associations de la société civile pour soutenir les efforts de régularisation de la situation de nombreux Tunisiens en situation irrégulière.

Donnons-leur juste une deuxième chance

Il y avait plusieurs jeunes qui ne demandaient qu’à avoir une deuxième chance dont un dont la fiancée allemande et sa famille étaient venus plaider la cause et la volonté d’intégration dans sa nouvelle famille et son nouveau pays.

Monsieur le chef de gouvernement, ne mettez pas tous les Tunisiens en situation irrégulière à l’étranger dans le même sac. Plusieurs d’entre eux n’ont pas trouvé leur chance dans leur pays et cherchent et méritent une deuxième chance ailleurs.

Une diplomatie ne doit pas être uniquement au service des nantis mais doit se mettre également au service des exclus et des laissés-pour-compte car ils sont tous Tunisiens et méritent notre sollicitude peut-être même plus que les autres.

Rappelez-vous que gouvernance et diplomatie n’excluent en rien l’humanisme, toujours faut-il être entouré de bons conseillers et avoir un ambassadeur de carrière avec suffisamment d’expérience et de cran.

* Ancien ambassadeur.

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