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Loi de finances 2021 : des mesures peu amènes pour le secteur agroalimentaire

En Tunisie, suite à l’augmentation de plusieurs taxes prévue dans la loi de finances 2021, tant au niveau des matières premières qu’à celui des produits finis, certaines entreprises du secteur agroalimentaire courent de grands risques pouvant leur coûter la survie même.

Par Amine Ben Gamra *

Parmi les nouvelles taxes prévues par la loi de finances 2021, on citera la revue à la hausse du droit de consommation des boissons alcoolisées et des produits pétroliers contre une baisse du droit de consommation de certains produits de luxes.

Des mesures pour le moins paradoxales

Ce texte, adopté à pas de charge et sans grande conviction par beaucoup de députés, prévoit en effet une augmentation des droits de consommation requise sur les vins en bouteilles référencés au numéro N°22.04 de la tarification douanière et la bière énumérés au N°22.03 du tarif des droits de douane à partir de 1,8d/litre à 2,4d/litre et sur la bière classée qui passe de 18 millimes à 24 millimes par centilitre.

Il prévoit aussi une augmentation des droits de consommation sur le gasoil normal de 12.116d/hectolitre à 18 D/hectolitre qui concernera notamment les produits suivants : l’essence super sans plomb, l’essence aéronautique (kérosène), le pétrole à brûler, le gasoil à faible teneur en soufre et le fuel lourd.

Dans le même temps, ladite loi de finances 2021 prévoit une réduction des droits de consommation sur les quads dont la cylindrée n’excède pas 1000 cm3 et est répertoriée au numéro M° 87.03 du tarif des droits de douane de 63% à 20%; les yachts et autres navires et bateaux de plaisance ou de sport, énumérés au numéro M° 89.03 du tarif des droits de douane de 50% à 20 %. On a de la peine à trouver la justification d’une telle décision qui profitera à une infime minorité sans rien rapporter à l’Etat.

La loi de finances prévoit, par ailleurs, un nouveau droit de 100 millimes par kilogramme sur le sucre vendu par l’Office du commerce de la Tunisie (OCT) et destiné à la consommation domestique ou industrielle, ou importé par les fournisseurs habilités.

Les conséquences prévisibles de ces nouvelles mesures

Ces nouvelles mesures auront des conséquences négatives sur un secteur qui représente 1064 entreprises soit 18,5 % du tissu industriel (199 entreprises totalement exportatrices et 166 à participation étrangère), plus de 71.000 salariés (pour les entreprises employant 10 personnes et plus), plus d’une centaine de destinations d’exportation, les principaux marchés demeurant ceux de l’Union européenne (l’Italie, la France, et l’Espagne) et de la Libye. Et de nouvelles destinations se présentent telles que les Etats-Unis, le Canada, la Russie, le Japon, les pays du Moyen-Orient et ceux d’Afrique subsaharienne (Niger, Sénégal et le Côte d’Ivoire).

Sur un secteur déjà également touché par une forte baisse de la consommation, suite à la pandémie de la Covid-19, ces conséquences seront, on l’imagine, catastrophiques.

Ainsi, les entreprises structurées subiront une chute de leur activité estimée à 60%, ce qui se traduirait par une diminution de l’impôt versé au trésor public et la réduction de leurs effectifs, accentuant ainsi la crise du chômage qui sévit dans notre pays. Certaines entreprises, les plus fragiles, risquent même de cesser toute activité.

De même, le consommateur tunisien payera directement ces augmentations de taxes et en subira de plein fouet l’impact sur son pouvoir d’achat, déjà gravement impacté par un taux d’inflation dépassant 7%.

En revanche, le marché parallèle profitera de la situation en proposant des produits moins chers et/ou de contrefaçon privant ainsi l’Etat des ressources fiscales qu’il escomptait, sans compter les risques que feraient peser de tels produits sur notre santé.

* Expert-comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.

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