Les nouvelles technologies de l’information et de la communication rendent bel bien problématiques le vote citoyen et l’expression de la volonté populaire. Si le cadre juridique n’évolue pas parallèlement à la science, la démocratie cessera bientôt de constituer la panacée pour la conquête pacifique du pouvoir.
Par Dr Mounir Hanablia *
Il y a eu la prise de la Bastille à Paris le 14 Juillet 1789, puis celle du Palais d’Hiver à Saint Petersburg le 26 Octobre 1917. Il y a désormais celle du Capitole de Washington du 6 Janvier 2021.
La comparaison n’est que relative parce que si évidemment les deux premières ont entraîné un changement radical du régime politique et une guerre civile sanglante, tel n’a pas été le cas pour la dernière où le régime démocratique a tenu le choc et ne s’est pas effondré. Il aurait pu en être autrement si le président en exercice Donald Trump l’avait vraiment voulu. Évidemment c’est lui qui est considéré comme responsable de cette situation. Et en fait il l’est bel et bien, mais jusqu’à un certain point seulement.
L’opportunisme des hommes politiques
Sans le cynisme et l’opportunisme des ténors du Parti Républicain, qui jusqu’à la fin ont continué à lui apporter leur soutien dans son entreprise de déni des résultats des élections malgré pas moins de 60 appels en Justice, tous rejetés, les choses n’en seraient pas arrivées au point où cinq personnes fussent tuées, et où le prestige du système politique américain soit sérieusement et durablement entamé.
Les membres du Parti Républicain ont décidé dans leur majorité de soutenir ces allégations parce que les évaluations en direct des fluctuations de l’opinion publique par les plateformes d’analyse ont révélé qu’une partie importante des opinions exprimées sur les réseaux sociaux soutenait les thèses du président sortant. L’erreur c’est bien évidemment de penser que ces thèses là reflètent fidèlement celles de la majorité de l’électorat. Cela tendrait à prouver qu’il n’y ait désormais plus de principes ou de programmes politiques qui vaillent, mais des humeurs générales, des influences, véhiculées par les réseaux sociaux, dont il faille tenir compte dans les joutes électorales, sous peine de se voir rejeter.
Démocratie et nouvelles techniques de la communication de masse
En fait, il demeure nécessaire de savoir si la démocratie dans son essence pourra survivre aux nouvelles techniques de la communication de masse, auxquelles Trump a fait largement appel durant toute la durée son mandat, pour lancer ses messages dans le but de mobiliser ses partisans et les maintenir sur le pied de guerre. Que Twitter ait par ailleurs finalement décidé de ne plus les diffuser est révélateur non seulement de la prise de conscience tardive par sa direction du rôle néfaste que les réseaux sociaux ont joué dans la crise politique américaine actuelle, mais aussi de sa puissance par rapport à la présidence du pays, réduite au silence.
Le Président fait à présent l’objet d’une nouvelle procédure d’impeachment par le Congrès américain dont les membres tiennent par là même à le frapper d’infamie afin de lui interdire définitivement tout retour éventuel lors des prochaines élections.
On connaissait déjà le rôle des réseaux sociaux dans les entreprises de déstabilisation, en Iran, en Géorgie, dans les pays du printemps arabe, en Russie, en Italie, en Hongrie, en Grande-Bretagne lors du Brexit, et plus récemment en Belarus. La suspicion en a été telle qu’elle a déclenché l’enquête fédérale sur l’interférence russe par le biais des réseaux sociaux lors des élections américaines.
Vers de nouvelles formes de participation des citoyens
Le changement de support de l’écriture avait déjà induit au néolithique l’apparition du monothéisme. La diffusion de l’imprimerie avait en son temps induit des changements politiques majeurs avec l’apparition du protestantisme, les guerres de religion et la naissance des nations, comme le télégraphe et la machine à vapeur le feraient plus tard pour la démocratie parlementaire.
Les derniers développements scientifiques et techniques de l’information risquent d’être concomitants de nouvelles formes de participation des citoyens dans la représentation politique, même si pour le moment, ils semblent faire le jeu des mouvements autoritaires de masse, unis autour de slogans futiles et guidés par de nouveaux hommes forts et puérils.
En dépit du facteur Trump, il demeure nécessaire de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les nouvelles technologies rendent bel bien problématiques le vote citoyen et l’expression de la volonté populaire. Si le cadre juridique n’évolue pas parallèlement à la science, la démocratie cessera bientôt de constituer la panacée pour la conquête pacifique du pouvoir.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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