Dans un appel lancé hier, samedi 16 janvier 2021, un groupe d’Ong appellent le président de la république Kais Saïed à œuvrer en vue de préserver la dignité du peuple tunisien et de récupérer les biens mal acquis du clan Ben Ali, gelés à l’étranger depuis 2011. Nous reproduisons cet appel ci-dessous et la liste des Ong signataires.
Monsieur le Président,
Tout comme nous, vous n’auriez pas imaginé qu’en Janvier 2021, 10 ans après la révolution, plus de 300 jeunes, dont la majorité des mineurs, se font encore malmener par la police et arrêter lors d’une simple manifestation sportive.
Vous n’auriez jamais imaginé non plus de lire dans le Journal officiel de la république tunisienne (Jort) la nomination du dernier secrétaire du Rassemblement constitutionnel démocrate (RCD) au sommet de l’institution qui symbolise le plus la Tunisie postrévolutionnaire.
Sans doute, vous auriez eu du mal à concevoir que la commémoration du dixième anniversaire de la révolution soit extorquée par des gouvernants tirant profit d’une pandémie mondiale afin de juguler toutes contestations sociales.
Le comble, monsieur le président, est la récente annonce par les autorités suisses de l’expiration du gel des biens de Leila Ben Ali, qui arrive à son terme le 19 janvier 2021. Ce n’est que le début d’une série de dégel de biens illicites volés aux Tunisiens par le clan Ben Ali, somme qui aurait concerné 320 millions de dollars seulement pour la Suisse.
Il est important dans ce cadre, de porter à votre connaissance l’existence de deux affaires pénales en cours, n°31 et n°35 et qui sont examinées par les tribunaux pénaux spécialisés dans la justice transitionnelle, incriminant Mme Leila Ben Ali et tant d’autres de détournement de fonds publics et de corruption. Ces procès, M. le président, ont déjà commencé et ont atteint 3 audiences, et ont le pouvoir d’étendre la durée du blocage des avoirs si seulement l’Etat exprime sa volonté de coopérer avec l’Etat Suisse dans le cadre de l’entraide judiciaire.
L’argument de l’affaire en cours de jugement avec un certificat délivré du tribunal à l’appui est constituera le meilleur argument juridique qui justifie le bon fondement de la demande de prolongement du gel.
Pendant ces dix longues années, les gouvernants qui se sont succédé n’ont eu que négligence, conflit d’intérêt et mépris envers leurs propres citoyens dans le traitement de ce dossier qui aurait dû être considéré comme primordial, essentiel, urgent.
Primordial, monsieur le président, parce que nos jeunes sont prêts à mourir en mer plutôt que de continuer de subir violence et exclusion de la part d’un Etat qui a l’obligation de les protéger et de leur assurer un avenir.
Essentiel car le droit à la santé, à l’éducation, à l’eau et à l’alimentation sont encore niés à nos concitoyens dont les régions sont encore marginalisées, pourtant ils ont payé le prix le plus cher pour les libertés dont nous jouissons aujourd’hui.
Urgent encore plus aujourd’hui que la Tunisie s’enlise dans la plus profonde crise économique, sociale et sanitaire qu’elle ait jamais connue; une crise aux conséquences imprévisibles sur la transition démocratique arrachée de haute lutte au prix de la vie de nos martyrs.
Il importe peu de connaître la somme qu’il sera possible de récupérer par l’Etat tunisien auprès des pays qui conservent encore ces biens de la honte. Leur non récupération restera une tache indélébile et déshonorante qui porte atteinte à la dignité de tous les tunisiens et tunisiennes, et une blessure incurable pour les nombreux citoyens en détresse et désespoir.
C’est pour cette raison, monsieur le président, qu’il ne s’agit pas seulement de disposer de ressources, ô combien nécessaires, pour apaiser les souffrances de nos citoyens. Il s’agit aussi et surtout de l’impératif moral d’un Etat qui se doit de préserver la dignité et la cohésion sociale de son peuple.
Vous avez souhaité montrer un engagement concret en créant le Comité spécial pour le recouvrement des biens mal acquis existant à l’étranger le 22 octobre dernier. Il est de notre responsabilité en tant qu’organisations de la société civile et citoyens et citoyennes engagés dans la défense des valeurs de la révolution, de contribuer avec vous à cet effort.
Nous mettons, monsieur le président, toutes nos compétences et capacités à la disposition de l’objectif que vous avez déclaré vouloir poursuivre pour que nous puissions, ensemble, préserver la dignité de notre peuple.
Associations signataires :
- Avocats Sans Frontières
- Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux
- Al Bawsala
- L’association le Pont Genève
- Associations des Tunisiens et des Tunisiennes en Suisse
- Réseau Tunisien de la Justice Transitionnelle
- Coalition Tunisienne pour la Dignité et la Réhabilitation
- Association Al Karama
- Dhakra we Wafa pour le martyr de la liberté Nabil Barakati
- No Peace Without Justice
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