Dans la soirée du dimanche 4 avril 2021, le journaliste et député Ahmed Safi Saïd, qui aime être affublé de titre de «moufakker al-kabir» (grand penseur) que lui servent généreusement des animateurs complaisants, était l’invité de l’un d’eux, son ami Samir El-Wafi, sur Attessia TV. Interrogé sur sa propagande mielleuse pour Zine El Abidine Ben Ali dans ‘‘Al-Moulahedh’’ en 2008, Saïd a prétendu qu’il l’a fait sur la demande insistante de Boubaker Sghaïer, le directeur de cet hebdomadaire, pour que celui-ci ne soit pas fermé par les autorités. Cela est, bien entendu, comme souvent avec le «moufakker al kébir», totalement faux. Petit rappel pour les amnésiques…
Par Imed Bahri
Cette affirmation est d’autant plus fausse qu’il n’a jamais été question, et à aucun moment, de fermeture d’‘‘Al-Moulahedh’’, un instrument de propagande au service du Palais de Carthage, mais également, le principal concerné, Boubaker Sghaïer, dément catégoriquement celui qu’il accuse de mensonge et fait d’autres révélations fracassantes sur le passé peu reluisant du «moufakker al-kabir»…
«Ahmed Safi Saïd ment comme il respire» est le titre de la publication Facebook de Boubaker Sghaïer, jadis journaliste à la solde de Abdelwahab Abdallah, ancien ministre conseiller du président Ben Ali, et aujourd’hui très proche de l’homme d’affaires franco-tunisien Mohamed Ayachi Ajroudi et dirige sa chaîne Al-Janoubia.
Le «moufakker al-kabir» voulait écrire ‘‘Le livre d’or de Ben Ali’’
Ce dernier réfute catégoriquement les propos d’Ahmed Safi Saïd qui prétend avoir été élogieux à l’égard du défunt président Ben Ali sur sa demande insistante pour que son journal ne soit pas interdit par les autorités de l’époque. Saïd, qui ne manque pas de culot, se présente ainsi dans la posture du bienfaiteur, qui a mouillé la chemise et s’est mouillé au passage pour sauver Boubaker Sghaïer.
Ce dernier écrit sur son poste Facebook: «L’entretien avec Al-Moulahedh a été fait à la demande d’Ahmed Safi Saïd lui-même quand il voulait se rapprocher du défunt président Zine El Abidine Ben Ali», ce qui ne nous étonne guère de la part du «moufakker al-kabir»! Jadis courtisan de Yasser Arafat, Mouammar Kadhafi et de Saddam Husseïn, et qui s’est spécialisé dans la rédaction d’ouvrages (sonnants et trébuchants) à la gloire des dictateurs, qu’est-ce qui l’aurait empêché d’en écrire un à la gloire de Ben Ali, qui n’est ni meilleur ni pire que les autres, car comme le dit Aristote «Qui peut le plus peut le moins».
Boubaker Sghaïer poursuit et là, c’est la cerise sur le gâteau: «Cependant, ce qui est le plus grave et c’est un secret qui est révélé pour la première fois c’est qu’Ahmed Safi Saïd a préparé un projet pour rédiger ‘‘Le livre d’or de Ben Ali’’ et qui devait être édité à Beyrouth mais quand l’idée a été présentée à Ben Ali ce dernier a refusé qu’un livre qui lui soit consacré soit écrit par Ahmed Safi Saïd», car en homme de renseignement, il était bien renseigné sur les accointances et les pratiques du «moufakker al-kabir», auquel il refusait d’accorder la moindre caution en louant ses services, sachant pertinemment qu’il ne manquerait pas, rusé qu’il est, de la monnayer. Il faut dire aussi que Ben Ali, tout dictateur qu’il était, avait une plus haute idée de lui-même, préférant financer, via l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE) de triste mémoire, des ouvrages à sa gloire écrits par des auteurs européens, et, à l’époque, les mercenaires de la plume ne manquaient pas.
«Le président Ben Ali est un leader honnête», témoignait Ahmed Safi Saïd
Bref, celui qui depuis plus d’une décennie campe, au regard des ignorants et des naïfs, le rôle de héros révolutionnaire et de «abqari zamanou» (génie de son temps), pour utiliser son langage levantin, se pliait en quatre pour devenir le prince de la propagande internationale (et pas seulement locale) de Ben Ali ! Et aujourd’hui, alors que son nom apparaît dans les sondages d’opinion pour la présidentielle, il fait tout pour devenir président lui-même ! Un ancien propagandiste de Ben Ali président de la Tunisie ? Décidément, on aurait tout vu, et Ahmed Safi Saïd ne nous étonnera jamais assez avec son culot monstre !
Boubaker Sghaïer écrit dans le même poste Facebook: «Je révélerai beaucoup, surtout ce que m’a dit, sur Ahmed Safi Saïd, Hamida Naanaa, la correspondante à Paris d’‘‘Assafir’’ (journal libanais jadis financé par Yasser Arafat dans lequel écrivait aussi Ahmed Safi Saïd, Ndlr). Et je parlerai des secrets qui m’ont été rapportés par Béchir Ben Yahmed et le projet de la version arabe de ‘‘Jeune Afrique’’», projet mort-né entre BBY et Safi Saïd.
On rappellera ici au passage que Hamida Naanaa faisait partie de l’orchestre des thuriféraires de Ben Ali et émargeait, elle aussi, sur l’ATCE.
Dans le fameux numéro d’‘‘Al-Moulahedh’’ (n° 792 du 9 au 16 juillet 2008) dont le souvenir rattrape aujourd’hui le sulfureux Ahmed Safi Saïd, ce dernier déclarait notamment: «Le président Zine Al Abidine Ben Ali est un leader honnête, un homme qui sert son pays honnêtement et sérieusement et qui est ouvert à tous les Tunisiens.»
Quel bel homme ce Ahmed Safi Saïd! Et surtout quelle belle âme!
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