Plusieurs pays ont connu des crises économiques, pires que celle que nous vivons depuis 2011 en Tunisie, dues à des guerres, des révolutions ou des changements de régime, mais ces pays se sont rapidement redressés grâce à la volonté de leurs peuples et à la bonne gouvernance de leurs dirigeants qui n’ont pas bradé l’héritage laissé par leurs ancêtres. On peut citer le Japon et l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale. On citera aussi, plus près de nous, en Afrique, le Rwanda, après le génocide des Tutsi en 1994. Dans cet article, on fera un focus sur un pays dont on parle peu mais qui ne manque pas d’intérêt, la Pologne…
Par Habib Glenza *
Durant les années 1980 et 1990, la Pologne a vécu la pire des crises de son histoire moderne, une crise à la fois sociale, politique et économique, qui a conduit ce pays de l’Europe de l’Est à une révolution sanglante contre le système dictatorial communiste. Après 1990, la Pologne a changé de régime, passant du communisme au capitalisme, passant, par conséquent, d’une économie contrôlée par l’Etat à une économie de libre marché.
Une économie saine et en plein essor
Trente ans après, l’économie polonaise galope avec une croissance de 6%; elle est même la plus dynamique des économies de l’Union européenne (UE), dont elle est un membre qui compte. Pour preuve : entre 2014 et 2020, le pays reçoit même la plus grosse dotation de l’UE, à hauteur de 77,6 milliards d’euros sur six ans. Et pour la période 2022-2027, une seconde dotation de 157 milliards d’euros sur une durée de 6 ans, dont un crédit moyen terme de 30 milliards d’euros, à un taux très avantageux.
L’économie polonaise va tellement bien, en dépit de la pandémie de la Covid-19, que l’Etat polonais s’est permis à accorder une dotation d’une valeur de 300 DT à chaque enfant né après 2017 et à chaque retraité un 13e puis un 14e mois
La Pologne, située au cœur de l’Europe centrale, possède une structure autoroutière en toile d’araignée. Grâce à ses autoroutes, on peut atteindre facilement toutes les capitales des pays limitrophes. De Berlin, à l’ouest, on peut atteindre Kiev, Minsk ou Moscou à l’est. Des ports maritimes polonais de Gdansk et de Szczecin, au nord, on peut joindre Prague, Bratislava, Vienne, au sud. Le trafic de marchandises sur ces autoroutes est infernal, aussi bien de jour que de nuit. Mieux encore : chaque grande ville polonaise dispose de son propre aéroport.
Une opportunité pour les exportations tunisiennes
Je ne me lasserai jamais de réitérer mes appels aux exportateurs tunisiens, notamment aux exportateurs de produits agroalimentaires, pour qu’ils s’intéressent au marché polonais, qui offre une réelle opportunité pour l’écoulement de leurs biens. Je considère personnellement que l’absence de nos produits dans les chaînes de supermarchés essaimant dans les villes polonaises est incompréhensible, injustifiée et injustifiable, et qu’elle suscite plus d’une interrogation.
En effet, la Pologne compte plus de 39 millions de consommateurs et dispose de plus de 40.000 unités commerciales toutes catégories confondues, dont 4000 hypermarchés. Le marché polonais compterait plus de 100 millions si l’on inclut les consommateurs ukrainiens et biélorusses qui viennent régulièrement s’approvisionner en Pologne.
Quelle que soit la raison invoquée pour expliquer le désintérêt des exportateurs tunisiens, le marché polonais reste une opportunité à saisir, tant qu’il est encore temps, parce qu’ici la concurrence devient de plus en plus rude.
La Turquie et le Maroc montrent la voie
La volonté, l’agressivité et la solidarité des Turcs sont impressionnantes. En quelques années, ils sont parvenus à s’installer confortablement sur le marché polonais. Ils ont construit leurs méga centres commerciaux, leurs propres entrepôts et leurs sociétés de transport et de logistique dans les principales villes de Pologne. La mainmise des commerçants turcs sur le marché de fruits et légumes de Bronisze près de Varsovie et des deux méga centres internationaux de textile, Ptak, près de Lodz, et Wolka Kosowska, près de Varsovie, prouve le degré d’agressivité et de solidarité des Turcs.
Le Maroc est lui aussi présent sur la marché polonais, grâce à la volonté du gouvernement marocain qui multiplie ses efforts afin de dynamiser les exportations des produits marocains sur le marché polonais et pour inciter davantage les touristes polonais à visiter le Maroc.
Les Tunisiens roupillent en attendant Godot
En face, la Tunisie est quasiment absente. Le tourisme tunisien, aujourd’hui en panne, brille par son absence en Pologne, où les offres touristiques sur la Tunisie sont très rares; et la signature de l’accord sur le tourisme dit «sécurisé» entre les présidents polonais et turc à Ankara, le 24 mai dernier, incitera les touristes les Polonais à se rendre massivement en Turquie, l’un des principaux concurrents dans ce domaine.
Et dire que beaucoup de responsables tunisiens sont royalement payés pour essayer d’ouvrir de nouveaux débouchés devant les exportations tunisiennes, d’attirer des touristes et d’intéresser des investisseurs étrangers au site Tunisie, un travail qu’ils ne font pas, ou pas avec l’efficacité requise. Ces gens coûtent très cher aux contribuables tunisiens et ne font pas grand-chose pour justifier leurs salaires. Ils roupillent dans les capitales où ils sont en poste et attendent tranquillement une retraite non méritée.
Pour conclure, je lance cet appel aux responsables de l’Utica, de la Conect, du TABC, de la FTTH, de la FTH, de la FTAV et à tous les exportateurs tunisiens : ne comptez pas sur la baguette magique de l’Etat tunisien, car il n’en a pas. Prenez vos responsabilités et bougez dans l’intérêt des entreprises que vous représentez et de celui de la Tunisie.
N’oubliez pas que nous sommes partenaires de l’UE et que la Pologne est membre de cette union. Cela pourra faciliter beaucoup de choses, encore faut-il se bouger, prendre ses affaires en main et ne pas attendre… Godot.
Conseiller à l’exportation agréé par le ministère tunisien du Commerce.
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