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Le drame de Kairouan est la preuve de l’impéritie des dirigeants en Tunisie

Les images diffusées par les médecins sur les réseaux sociaux montrent le drame de la Covid-19 qui se déroule aujourd’hui à Kairouan et d’autres régions tunisiennes.

Kairouan, comment as-tu pu basculer d’une ville témoin des premiers siècles de la civilisation arabo-musulmane, de développement scientifique, littéraire, architectural et urbanistique, à une ville meurtrie et, à certains égards, meurtrière ?

Par Dalel Jemni *

À la veille des décisions malheureuses qui se sont imposées à nous et à nos régions sinistrées par la Covid-19 et notre refus de laisser faire et d’accepter ces humiliations répétitives, toutes les initiatives permettant de lutter contre les injustices, la négligence et la maltraitance que nous subissons depuis belle lurette, et qui se sont accentuées depuis l’apparition de cette pandémie, doivent être soutenues.

En salissant l’honorabilité et l’image de marque de nos régions et de notre pays, en contribuant à laisser agoniser nos malades, à restreindre notre accès aux soins, en faisant en sorte que nos médecins jettent l’éponge et s’exilent, les autorités ont impulsé en nous cette envie de réagir, d’agir et surtout de stopper l’hémorragie.

Incompétence des politiques, volontarisme du peuple

Nous avons compris que le gouvernement refusait aux Tunisiens leurs droits légitimes à être citoyens, à pouvoir bénéficier de soins adéquats et d’hôpitaux dignes de ce nom. Cette politique a été menée tambour battant depuis belle lurette et nous avons attendu sagement et patiemment qu’on s’occupe de nous!

Ces accumulations vont nous permettre peut-être de réagir et retrouver notre dignité.
Nous savons désormais ce qui nous reste à faire et devons le faire pour bien répondre à cette incompétence.

Aujourd’hui, les Tunisiens sont humiliés, ignorés. Je voudrais dire aux responsables politiques qui laissent agoniser et mourir nos compatriotes dans différentes villes, Kairouan, Béja et toutes les autres régions de cette Tunisie à la dérive, que nous ne pourrons supporter longtemps l’humiliation même si nous avons été longtemps patients et avons pris notre temps pour réagir.

La santé, comme d’autres domaines, est un secteur très mal géré dans notre pays : corruption endémique, faiblesse dans la prise des décisions, manque de moyens financiers, administrations incompétentes, structures trop rigides, centralisation paralysante, priorité donnée à d’autres ministères inutiles au détriment des dépenses sociales…

Tous ces facteurs expliquent l’incapacité de l’Etat dans la gestion des hôpitaux publics, l’inadaptation des hôpitaux, qui sont administrés et non gérés, aux réalités d’aujourd’hui.

Haro sur ces indignes qui gouvernent la Tunisie !

Ce qui se passe devant nos yeux et grave et dangereux. C’est une bombe à retardement qui bouillonne, se mets en place et qui va, si nous laissons faire, nous anéantir tous.

Ces comportements divisent le pays par le biais de l’incompétence et l’ignorance.

Messieurs les indignes qui êtes censés diriger ce pays, vous avez aujourd’hui mis ensemble une charge explosive et des détonateurs et ceci va forcément entraîner une explosion dont l’ampleur et le timing sont imprévisibles. Cette pandémie a accéléré en nous cette colère qui sommeille! Vous avez ravivé notre mécontentement et notre révolte. Soyez convaincu que la masse critique de mécontentement a atteint son apogée!!

Pour bien comprendre ce désarroi généré par la négligence, les injustices successives, nous devons nous poser et analyser les principaux maux provoquant notre situation dans le passé et à l’heure actuelle. Nous devons interroger l’efficience des outils et méthodes de lutte conte la marginalisation de nos régions mis en place par les différentes gouvernances mais surtout par nous-mêmes.

Cette situation ne doit pas être perçue comme le fruit d’une fatalité ou la conséquence d’un environnement économique précaire, mais doit être considérée comme le résultat d’une incompétence.

Actuellement, l’émotion, la colère et l’impuissance nous révoltent. Nous devons en un premier temps se poser et réfléchir à la cause de cet immobilisme de nos élus, nos politiques. Nous n’avons pas d’interlocuteur crédible, pas d’élu qui daigne plaider notre cause, de porte-parole digne de nous représenter … et pourquoi cette poisse me direz-vous?

Veuillez m’excuser pour le terme que je vais employer et qui résume notre impuissance et notre colère : parce que nous tous, sommes des immatures!

En effet, pendant la période électorale et au moment des élections et quand il faut vraiment réfléchir à ceux qui vont nous gouverner, on se précipite pour élire à l’aveuglette et avec constance des personnes qui ne nous représentent pas, par manque de maturité. Dès qu’un scrutin a lieu, on se rend aux urnes pour voter pour un tel candidat juste parce qu’on est de la même région, ou parce qu’on connaît un membre de sa famille, ou parce qu’il fait ses prières à la mosquée… Et au diable le sort de nos régions, notre pays, nous tous.

Un front commun des Tunisiens face à ces problèmes permettrait sans doute de sortir d’un statut de majorité négligée vers un statut de citoyens à part entière.

Ne laissons pas agoniser nos régions !

Nous ne pouvons pas être des citoyens respectables en laissant agoniser nos régions, en contribuant par notre passivité à laisser mourir nos compatriotes, en optant pour le laisser-faire, la politique de l’autruche, l’égoïsme, le chacun pour soi, l’immobilisme et j’en passe.

C’est pour tout ce qui précède que ces comportements devront être définitivement bannis. Nous devons faire sur nous-mêmes le travail intérieur préalable nécessaire pour nous libérer de la peur et devenir enfin ce que nous n’avons peut-être jamais été : nous-mêmes, des citoyens à part entière et responsables.

Nous sommes désormais tous décideurs; de ce fait, nous devons tous se mettre au travail pour dénoncer, contrer et surtout agir dans un cadre légal et civilisé, œuvrer dans le bon sens pour apporter des solutions aux différents problèmes que nous rencontrons.

Nous devons tous œuvrer par tous les moyens pour être le début de l’avènement d’un changement de mentalité afin que nous puissions construire un avenir meilleur pour nous tous, nos enfants et nos petits enfants. C’est sur cette exhortation que je voudrais terminer et dire que nous avons un bien commun qui a un besoin urgent d’être restructuré, redressé qui est notre patrie, notre Tunisie.

* Retraitée. Ancienne cadre de la Mutuelle Générale à Paris.

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