La journée du 10 juillet 2021 restera dans l’histoire de la Tunisie, mais malheureusement pas de la meilleure manière : en ce jour de triste mémoire, notre pays est devenu le 3e au monde en terme de décès/million et 4e en terme de nouveaux cas/million d’habitants. Il faut agir, vite et avec la fermeté requise pour mettre fin à la tragédie qui se joue devant nos yeux et dont les réseaux sociaux rendent largement compte.
Par Wassim Chatty *
Il s’agit véritablement d’une véritable tragédie. D’une catastrophe. Nous sommes actuellement bien devant des pays d’où sont issus les nouveaux variants tels que le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud et bien autres. Ces mêmes variants (Alpha, Béta, Gamma et bien d’autres), que l’on croyait bien loin, sont en train de faire des ravages chez nous.
Je pense que l’Etat n’arrive pas à saisir la gravité de la situation, ou pire, cherche à la minimiser. Nous sommes 3e mondiaux en terme de décès par millions de personnes: un niveau jamais atteint par notre pays depuis le début de cette pandémie.
Un Etat faible qui n’arrive pas à faire respecter ses décisions
L’Etat, c’est-à-dire le gouvernement et le président de la république, doit comprendre que les demi-mesures proposées ne sont pas efficaces. Chaque jour amène son lot de souffrances, de malades et de morts. Le système de santé ne s’est pas encore effondré mais les hôpitaux qui, manquaient déjà cruellement de moyens, sont à bout. Le cadre médical et paramédical est exténué. De plus en plus de services réduisent leurs activités pour s’occuper exclusivement des malades Covid, et cela risque de ne plus être suffisant, si ce n’est pas déjà le cas actuellement.
Il faut se rendre à l’évidence: le couvre-feu à 20h, l’interdiction de circuler entre les gouvernorats, les soi-disant confinements ciblés de tel ou tel gouvernorat, ne sont pas des mesures suffisantes. Ces dernières ne sont déjà même pas respectées par le citoyen parce que l’Etat ne veut pas se donner les moyens de les faire appliquer. C’est un Etat faible. Une crise politique sans précédent, des conflits dans les plus hautes sphères du pouvoir entre le président de la république et le chef du gouvernement qu’il avait lui même nommé, une assemblée qui ressemble plus à une cour de récréation qu’à un parlement… Mais alors que faire?
L’Etat doit prendre ses responsabilités, s’unir, être au dessus de calculs mesquins et redevenir fort, non pas par le force dictatoriale mais par la force des lois et de leur application sans passe-droit.
Dans la situation actuelle, il faut le dire, nous n’avons malheureusement plus rien à perdre: Il faut un confinement général strict d’au moins 4 semaines, comme cela a été le cas en mars-avril 2020, avec les bons résultats que l’on sait.
Qu’en sera-t-il de l’économie?, nous rétorquera-t-on. Actuellement, sans confinement, la Tunisie est, jour après jour, isolée et mise dans la zone rouge par plusieurs pays européens. Les autres suivront.
La saison touristique est malheureusement déjà foutue. Qui voudrait venir dans un pays avec autant de cas de contamination et de décès, et qui impose une quarantaine pour les visiteurs ? Pas grand monde.
De plus, si rien n’est fait, la situation économique va s’empirer rien que du fait de l’aggravation de la situation sanitaire. En d’autres termes, si l’Etat souhaite sacrifier la santé au profit de l’économie, on perdra malheureusement sur les deux registres.
Notre salut passe par le confinement et la vaccination
Bref, on n’aura notre salut que par un confinement général strict d’au moins 4 semaines, tout en octroyant des aides aux plus démunis. Nous sommes malheureusement en guerre et nous devons tous faire des sacrifices, tous ensemble. L’Etat a les moyens d’aider les plus pauvres en prélevant un certain pourcentage des salaires des fonctionnaires les mieux payés, en appelant à la solidarité des plus riches, et surtout ceux qui se sont enrichis encore davantage grâce à la pandémie, en gelant le paiement des factures d’électricité, d’eau et de gaz, et pleins d’autres mesures sociales d’accompagnement… Ce confinement général permettra de diminuer le nombre de nouveaux cas, de nouveaux décès et, ce faisant, la pression sur les hôpitaux qui est actuellement énorme.
Il faudra également profiter de ce confinement pour vacciner un maximum de Tunisiens: c’est la seule solution pour vaincre ce virus sur le long terme.
Il faut le dire: nous sommes clairement à la traîne. Seuls 12,42% des Tunisiens ont reçu au moins une dose de vaccin. Le Maroc en a vacciné plus du double (28,06%), sans parler des grandes puissances, qui ont déjà enlevé toutes les mesures restrictives. Il faut vacciner, vacciner et encore vacciner !
Nous n’aurons notre salut qu’avec le confinement généralisé de 4 semaines et l’accélération du rythme de la vaccination. Sinon nous n’aurons, bientôt, plus que nos yeux pour pleurer la mort de nos concitoyens…
* Médecin résident en orthopédie traumatologie.
Article du même auteur dans Kapitalis :
http://kapitalis.com/tunisie/2021/07/10/tunisie-le-combat-contre-le-covid-19-doit-etre-mieux-organise/
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