L’auteur répond à l’article de Kamel Daoud reproduit par Kapitalis et qui reprend avec une saignante ironie à la question «Que faire des islamistes qui nous veulent du mal?». Par l’espace de liberté qu’elle ouvre, la démocratie peut certes aider les islamistes à renforcer leur place dans nos sociétés, mais seule une vraie démocratie peut les vaincre, soutient-il.
Par Helal Jelali *
Les questions que vous posez à propos des islamistes sont plus que dangereuses : «faut-il les tuer», «faut-il les exiler», «faut-il les enfermer», «faut-il les éradiquer?»… Et vous affirmez que nous n’avons pas trouvé de solution. Votre analyse suggère que nous sommes impuissants et que la «solution finale» pourrait être la bonne.
Les islamistes financés par certains pays occidentaux
Non cher confrère, il y une vraie solution contre les islamistes : la vraie démocratie, les vrais droits de l’homme, la vraie liberté d’expression… Avec la chute du communisme, les régimes autoritaires cherchaient avec la complicité de certaines puissances étrangères, à trouver un nouvel ennemi pour justifier leur politique du tout-sécuritaire, et il avaient trouvé les islamistes, financés par les meilleurs amis de certains pays occidentaux.
Vous le savez très bien : le Pakistan peut se débarrasser en six mois des talibans, selon la déclaration d’un général pakistanais, mais comme ce pays ne reconnaît nullement les frontières avec l’Afghanistan et revendique discrètement les zones des tribus pachtounes, ils encouragent les talibans à occuper le terrain.
La lutte contre les islamistes ne peut être que politique et culturelle. Le creuset des islamistes sont les inégalités et les injustices sociales, la fragmentation sociale, la mauvaise gouvernance, les États policiers et militarisés, l’illettrisme… Dans une vraie démocratie avec un contrat social où chaque citoyen adhère spontanément à la cohésion nationale, les islamistes seront marginalisés.
Les islamistes seront marginalisés par une vraie démocratie
Regardez la montée de l’extrême droite en France et en Europe, elle est parallèle à la montée des politiques d’austérité et du néo-libéralisme et des inégalités sociales. Selon les dernières statistiques publiées dans le quotidien Le Monde, la France compte 9 millions de pauvres. Quand un peuple considère que ses conditions de vie se dégradent de jour en jour et son avenir est incertain, il revient à ses archaïsmes les plus irrationnels.
La bataille contre les islamistes ne devrait pas devenir «une rente politiques ou médiatique» mais plutôt l’engagement en faveur d’une vraie citoyenneté, où les conditions de vie offrent à chacun l’éducation, les services publics de santé, de logement et de transport nécessaires à sa vie quotidienne. Dans certains villes maghrébines et européennes, la mixité sociale a presque totalement disparu. C’est cette segmentation sociale qui avait accentué le développement des ghettos et du repli identitaire.
Monsieur Kamel Daoud, je vous invite à passer un week-end dans le centre commercial des Quatre Temps au quartier de la Défense, à Paris, où 200 000 Français d’origine maghrébine font généralement leurs courses, il n’y a ni foulard, ni hijab, ni qamis afghan. Vous allez plutôt découvrir une classe moyenne de jeunes couples avec enfants qui ont déjà acheté leur appartement, un city-car, et n’ont en cure du repli identitaire. Dans ce contexte, je regrette que les études sociologiques sur l’immigration en France datent des années 1980.
* Ancien journaliste tunisien basé à Paris.
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