Quand l’atroce réalité que vivent les hommes et les femmes ne se conforme pas à l’apaisante et euphorisante théorie, que fait souvent un intello de gauche ? Il se réfugie dans ses nébuleuses certitudes philosophiques, au mépris de l’évidence d’une Histoire en train de se faire dans le bruit et la fureur. Bien sûr, pour eux, le peuple est, en théorie, le «Guide suprême», mais en théorie seulement, car, en pratique, ils préfèrent toujours lui donner tort…
Par Ridha Kéfi
J’ai toujours eu des réserves concernant le concept un peu fourre-tout d’islamo-gauchisme pour désigner cette forme d’aveuglement de l’intelligentsia BCBG, genre «rive gauche», souvent aussi qualifiée de «gauche caviar», vis-à-vis de l’islam politique, dans ses différentes manifestations qui vont de l’activisme politique plus ou moins pacifique au jihadisme le plus haineux et le plus destructeur.
Sous prétexte de défendre la démocratie, les libertés publiques et l’Etat de droit, ces islamo-gauchistes condamnent d’avance tout acte politique visant à mettre fin aux nuisances de l’islam politique, pourtant souvent dûment constatées et bien documentées.
Une «démocratie» au service d’un ramassis d’opportunistes et de corrompus
Malgré mes réserves, je ne peux m’empêcher d’utiliser ce concept d’«islamo-gauchisme», qui énerve beaucoup de gens, en pensant aux réactions outrées de certaines personnalités tunisiennes comme Néjib Chebbi, Hamma Hammami, Yadh Ben Achour ou autres Sophie Bessis, après les décisions annoncées par le président de la république Kaïs Saïed, à la suite des manifestations éclatées dans toute le territoire de la république, le 25 juillet 2021, décisions prises conformément à l’article 80 de la Constitution et qui visent à préserver la paix civile – il y eut ce jour-là de graves affrontements entre les manifestants et les agents de sécurité –, et à mettre fin au processus de dégradation de la situation générale dans le pays du fait d’une gouvernance catastrophique assurée, de 2011 à 2021, par les islamistes du parti Ennahdha et leurs alliés soi-disant progressistes, un ramassis d’opportunistes et de corrompus, qui, en dix ans, ont détruit les acquis d’un pays longtemps présenté comme pré-émergent et qui vit aujourd’hui grâce à l’aide internationale.
Je ne comprends pas pourquoi ces intellos de gauche s’attachent-ils si maladivement à la nécessité de respecter des textes de lois totalement biaisées, comme celui de la Constitution de 2014, qui ont pourtant prouvé leur incohérences et leurs nocivités, au mépris du ras-le-bol d’un peuple qui souffre, qui voit ses aspirations déçues et qui ne peut plus supporter les conséquences d’une gouvernance erratique sinon franchement clientéliste et corrompue.
Les postures de ces intellos sourds aux souffrances de leurs peuples ont quelque chose de pathétique, d’indigne voire d’ignoble. Confortablement assis sur leurs privilèges et jouant les objecteurs de conscience, un rôle qui conforte leur narcissisme, ce qui importe à leurs yeux, c’est la justesse des idées et la rectitude morale des positions, et au diable les hommes et les femmes qui souffrent: ils n’ont qu’à se conformer à leurs théories à eux !
Un aveuglement parfois naïf mais souvent calculé et intéressé
Je me dis parfois, heureusement que ce ne sont pas les intellos qui dirigent les Etats. On imagine les dégâts qu’ils provoqueraient avec leur aveuglement, parfois naïf mais souvent calculé et intéressé.
Kaïs Saied est lui aussi un intello, me rétorquera-t-on, du moins l’était-il avant son accession à la magistrature suprême, mais confronté aux réalités, il a dû se faire violence, sur les plans philosophique et moral, pour prendre des décisions qu’il y a quelques années encore, il aurait pu lui-même dénoncer, tout comme la dénoncent aujourd’hui Néjib Chebbi, Hamma Hammami, Yadh Ben Achour ou autres Sophie Bessis.
L’Histoire a de ces ruses… Les intellos l’ont toujours pensée (c’est leur métier), mais pas toujours à bon escient, mettant plus souvent à côté de la plaque. On n’a pas fini d’en avoir la preuve à notre corps défendant…
Articles du même auteur dans Kapitalis:
Tunisie : Hichem Mechichi, petitesse et décadence
Tunisie : un «coup d’Etat» salutaire
Tunisie : Un croque-mort appelé Hichem Mechichi
Donnez votre avis