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Tunisie post-25 juillet 2021 : la fin des partis politiques ?

Dans le monde, toutes les idéologies du 20e siècle ont été vouées à l’échec à commencer par le communisme de Lénine, le fascisme de Mussolini, le nazisme de Hitler, le socialisme démocratique européen, l’arabisme de Nasser et actuellement l’islamisme des Frères musulmans. On a tout essayé. Tous les modèles sont épuisés. Il n y a pas de modèle de société juste. Le monde restera toujours clivé entre riches et pauvres. Curieusement on retrouve chez nous, en Tunisie, tout ce panel de dogmes disparus ailleurs.

Par Mohamed Rebai *

En Tunisie, les partis politiques, souvent dogmatiques, classiques, sectaires ou rigides aux rapports conflictuels, n’ont pas compris le changement survenus dans le pays. Résultat, ils ont tous coulé en cascade, à commencer par le Congrès pour la république (CPR) du baroque Moncef Marzouki, Ettakatol de l’opportuniste Mustapha Ben Jaafar, Al-Joumhouri des frères Néjib et Issam Chebbi, Nidaa du clan Béji Caïd Essebsi, ou encore Attayar des époux Mohamed et Samia Abbou, Qalb Tounes des frères Nabil et Ghazi Karoui, Ennahdha de la secte de Rached Ghannouchi et Al-Karama du larbin des islamistes Seifeddine Makhouf et j’en passe.

Bientôt plus que 200 partis politiques vont être rayés de la carte. Il n’en restera que de vieux souvenirs d’une époque révolue.

Partis ou associations de malfaiteurs

Pourquoi, parce qu’ils ne sont pas à l’écoute des petites gens. Parce qu’ils vous demandent aujourd’hui de voter pour eux et vous oublient le lendemain. Tous des fumiers. D’ailleurs, c’est l’ensemble de ces coquilles vides qui ont propulsé le parti islamiste Ennahdha aux premières loges. Ils sont même considérés à certains égards comme des associations de malfaiteurs, chefs de gouvernement compris. Ils vont être supplantés à brève échéance par un gouvernement local («local government») quoique les Anglais préfèrent parler d’administration locale associée à l’idée d’autonomie locale. Kaïs Saied l’a clairement dit lors de son entretien avec les journalistes du  »New York Times ».

La décentralisation va mettre un terme à un modèle d’organisation des pouvoirs publics et de gestion des affaires publiques centré sur l’Etat et formé par les partis politiques. Ne cherchez pas ailleurs, le président Saied ira dans ce sens avec une plus grande représentativité des jeunes. Il n’est pas possible pour l’instant aux citoyens que nous sommes de se frayer un chemin dans le débat public. Nous étions dans l’obligation de recourir à des structures intermédiaires, les partis politiques. Tout ce beau monde va finir dans les oubliettes d’une démocratie politique inégalée.

La loi est faite pour le menu fretin

Une fois élus, ils commencent par faire des lois pour se protéger et exclure les autres.Ils cherchent à se placer au dessus des lois. Ils sont même en avance sur elles. La loi est toujours de leur côté puisque peu de choses reposent sur la légalité. La loi les suit et elle s’adapte nécessairement à leurs besoins. Les autres aiment regarder le cœur torturé.Ils sont allés jusqu’à enterrer des milliers d’affaires terroristes (6 268 exactement) et on ne connaît pas toujours qui a tué Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. La loi c’est pour le menu fretin.

Ils sont de grands fabricants de programmes mensongers. Ils restent sur le qui-vive durant un mandat de cinq ans soucieux de leurs propres intérêts. C’est trop long. A la fin de la quatrième année si ce n’est pas avant rebelote. Ils soudoient les sous-fifres sur guichetier et la machine d’escroquerie, de corruption et de contrebande se mettra en branle comme si de rien n’était. Ils se remettent à se remplir les fouilles de façon rapide et toujours pas claire. Mieux ils placent le magot d’argent dans des paradis fiscaux. Ils ne pensent qu’à se servir et non servir.

Comme vous le savez, après dix ans de gouvernance islamiste, les résultats ont été plus que décevants. Les caisses sont vides et de plus en plus de Tunisiens sont réduits à l’état de mendicité et de misère. Go Said ! On l’a demandé il y a quelque temps à Jo (Youssef Chahed) et tout récemment à Hichem Mechichi mais ils ont préféré s’allier avec le diable pour garder leurs postes et bénéficier d’une retraite à taux plein.

Le peuple veut une entité politique dirigée par le bas

Certains ministres et députés sont lunatiques lorsqu’ils changent brusquement et fréquemment d’humeur, d’opinion, de caractère et de parti. D’autres sont carrément des pervers narcissiques, des personnalités toxiques ou des vampires psychiques qui gangrènent notre société.

Tandis que le défunt Béji Caid Essebssi optait pour une république civile et solidaire, Kais Saied va inventer un nouveau vocable («la république du peuple») qui va vite prendre de court les partis «bandits et prédateurs». Il veut que le peuple gouverne par le bas à travers des institutions locales. Il souhaite concrétiser le célèbre slogan de la révolution «Le peuple veut» («Echaab yourid») et diluer tous les partis politiques qui deviennent un ramassis de voleurs et de vauriens. Les jeunes ont compris le jeu et saisi l’opportunité. Ils ont propulsé un président intègre à la fonction suprême. Voilà, c’est chose faite. On attend la suite des événements.

Le gourou en perte de vitesse

Rached Ghannouchi qui se croit proche de dieu a été longtemps vénéré par les profiteurs et les faux amis comme un prophète «Talaa al-badrou alyna». Le dogme total de l’individu. Ils le flattent comme un monarque omnipotent. Il est vrai que la menace était permanente. Les gens ont peur de se faire assassiner. Ils n’osent pas critiquer le cheikh intouchable. Mais récemment son crew qui avait un doigt dans chaque rapine et une part dans chaque gâteau commence à se défaire. Il est de plus en plus lâché et isolé par ses pairs aussi bien au sein de son parti islamiste Ennahdha qu’à la «désassemblée». Il est assis sur une tête d’épingle. Sa position n’est pas confortable. Il ne trouve plus de chaussures à ses pieds. Il est au creux de la vague.

Il n’arrive plus à fidéliser ses adhérents qui veulent le démettre au prochain congrès du parti Ennahdha qu’il n’a pas encore fixé de peur d’être évincé. Ses collègues au parlement lui ont demandé à deux reprises de quitter la présidence. Il n’a pas obtempéré. Finalement, la rue s’est soulevée et a demandé clairement son départ. Même humilié devant la porte de l’ARP fermée à son nez, le regard aride et le geste guindé, il reste imperturbable. Il s’attache à ses opinions «invendables à ferrailler» d’une autre ère (VIIe siècle). Son entêtement le perdra. C’est un entêtement étrange qui exaspère tout le monde y compris ses propres lieutenants. La Tunisie en a beaucoup souffert.

Tous les dogmes ont disparu

Dans le monde, toutes les idéologies du 20e siècle ont été vouées à l’échec à commencer par le communisme de Lénine, le fascisme de Mussolini, le nazisme de Hitler, le socialisme démocratique européen, l’arabisme de Nasser et actuellement l’islamisme des Frères musulmans. On a tout essayé. Tous les modèles sont épuisés. Il n y a pas de modèle de société juste. Le monde restera toujours clivé entre riches et pauvres. Curieusement on retrouve chez nous tout ce panel de dogmes disparus ailleurs.

La seule alternative qui semble gagner du terrain que ce soit en Tunisie ou ailleurs est de gouverner par le bas sans partis politiques «intermédiaires» . C’est le peuple qui veut. Kaïs Saied, en juriste de talent, a compris avant tout le monde qu’il peut compter sur les jeunes harcelés, piétinés, dénudés, poussés à l’exil dans des embarcations de fortune ou enrôlés dans les zones de conflit. Les décisions du 25 juillet courant ont apporté un regain d’énergie, d’enthousiasme et d’optimisme pour des jours meilleurs. Le chemin est tortueux et semé d’embûches, il faut aller jusqu’au bout de nos rêves.

Ghannouchi, Karoui et Makhlouf, dégagez avant que les jeunes vous dégagent. Vous risquez de finir en cloque. La nature change, le monde change et vous dormez encore sur vos lauriers. Mesurez à sa juste valeur la joie et l’enthousiasme des gens qui ont plébiscité les décisions du président Saied un certain 25 juillet où les Tunisiens se sont levés sur une médaille d’or venu du pays du soleil levant et dormi sur de bonnes décisions qui sont de nature à sarcler les herbes nuisibles.

On a fini par mettre le pieds à l’étrier pour pédaler. On a assez rétropédalé. Il n’y pas de destin, nous sommes tous au bout du rouleau. On ne peut pas être neutre à la croisée des chemins. on est obligé de choisir une destination et c’est celle de Saied.

* Economiste.

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