L’auteur, surnommé Pierrot le Fou sur Facebook -personnage du film de Jean-Luc Godard interprété par feu Jean-Paul Belmondo- a dû interrompre son deuil suite au décès de son acteur préféré et monter au créneau pour défendre la langue française dont l’animatrice de Mosaïque FM a appelé à la substitution par l’anglais en tant que deuxième langue officielle de la Tunisie.
Par Mohamed Sadok Lejri *
«𝐼𝑙 𝑠𝑒𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑒𝑢𝑡-ê𝑡𝑟𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑑𝑒 𝑠𝑢𝑏𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑒𝑟 𝑙’𝑎𝑛𝑔𝑙𝑎𝑖𝑠 𝑎𝑢 français 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙’𝑎𝑛𝑔𝑙𝑎𝑖𝑠 𝑙𝑎 deuxiè𝑚𝑒 𝑙𝑎𝑛𝑔𝑢𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑇𝑢𝑛𝑖𝑠𝑖𝑒𝑛𝑠» vient de déclarer l’animatrice Amina Ben Doua sur les ondes de Mosaïque fm.
D’abord, il faut comprendre que ce sont surtout les arabophones conservateurs qui prônent la substitution de l’anglais au français pour venir à bout de la francophonie en Tunisie. Ces arabophones conservateurs sont phobiques à la langue française.
En effet, ils ont parfaitement compris que c’est en s’imbibant de la sensibilité et des valeurs françaises que Bourguiba et ses compagnons francophones ont pu amarrer la Tunisie au bon wagon, contrairement aux autres pays arabes. Si l’on parle aujourd’hui d’«exception tunisienne», c’est en grande partie grâce à la langue française.
D’autres, comme vous madame Ben Doua, c’est-à-dire moins conservateurs, veulent substituer l’anglais au français dans nos établissements scolaires et universitaires au nom d’un soi-disant pragmatisme. Vous devez comprendre la chose suivante : étant donné que nous avons été colonisés par la France, nous nous sommes imprégnés de ce pays, de sa langue, de sa culture et de son histoire. Le français est porteur de valeurs et d’une vision du monde que nous avons assimilé. Cela ne sera pas possible avec l’anglais.
En outre, le recul du français a fait le lit de l’islamisme en Tunisie et dans tous les pays du Maghreb, alors que le français nous a permis d’accéder à l’«universalisme occidental».
Alors, je conseille ceux qui veulent substituer l’anglais au français, ces pseudo-réalistes «anglophones» qui se veulent en phase avec leur temps, de cesser de dénigrer la langue de Molière. Et qu’ils ne se sentent pas obligés de la vendre à un vil prix en alléguant comme prétexte l’hégémonie de la langue anglaise et l’américanisation planétaire.
Les arguments (fallacieux) avancés par ceux qui veulent substituer l’anglais au français sont toujours les mêmes :
– le français restreint les perspectives économiques de la Tunisie, limite la liberté du choix de ses partenaires commerciaux et l’empêche de parvenir aux meilleures conditions possibles de vente de ses productions et d’achat de ses importations;
– l’anglais est désormais la langue des sciences, alors que le français est devenu caduc et «has been»;
– le français perpétue la colonisation culturelle et permet à la France de maintenir ses anciennes colonies sous sa domination;
– les anciennes colonies britanniques s’en sortent beaucoup mieux économiquement que celles qui appartenaient à l’empire colonial français. Il est aussi de bon de citer le Rwanda de Paul Kagame. C’est très à la mode, depuis quelque temps, en Tunisie;
– et la liste des arguments bidons est encore longue…
Si l’économie tient encore un peu, c’est grâce à la France. Le nombrilisme des Tunisiens les amène à penser que si l’on rompait nos relations économiques avec la France, toutes les puissances économiques de ce monde se bousculeraient au portillon de la Tunisie.
Les Tunisiens n’ont toujours pas compris que leur pays ne produit rien, c’est un pays sous-développé qui n’intéresse personne à part la France pour des raisons stratégiques, historiques et culturelles.
Si la France tourne définitivement le dos à la Tunisie, elle tombera dans l’escarcelle des Américains, des Chinois et des Turcs qui la saigneront comme jamais. Les rivaux de la France ne sont pas des enfants de chœur, loin s’en faut, et n’ont cure des droits de l’Homme et des libertés. Ils feront de nous leurs esclaves.
A bon entendeur, salut !
* Universitaire.
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