L’auteur révèle dans cet article les résultats d’une étude qu’il avait réalisée par ses propres moyens en 2019 auprès d’un important échantillon de médecins tunisiens ayant préféré émigrer pour exercer leur métier à l’étranger. L’enquête porte essentiellement sur les raisons qui les ont amenés à faire ce choix, parfois à contrecœur, et vise à attirer l’attention des responsables sur ce fléau dont les effets négatifs commencent à se faire ressentir sur la qualité des prestations dans les hôpitaux publics, souffrant de manque de médecins spécialistes.
Par Dr Kaissar Sassi *
Selon une enquête sur les flux migratoires de et vers la Tunisie qu’il a menée récemment, l’Institut national de la statistique (INS) a compté 3 300 médecins ayant quitté la Tunisie au cours des 5 dernières années, soit 660 médecins par an, l’équivalent de deux promotions d’étudiants diplômés de la Faculté de médecine de Sousse.
J’avais moi-même mené en 2019 une enquête auprès d’un échantillon assez représentatif de 393 médecins tunisiens installés partout dans le monde. Après réflexion, j’ai décidé d’en révéler aujourd’hui les résultats et, surtout, les raisons qui ont poussé cette élite à quitter le pays, parfois même contre leur volonté.
Des milliers de médecins tunisiens quittent leurs familles, leurs parents et parfois leurs bébés pour gagner leur pain à l’étranger. J’ai rencontré des mamans en larmes dans les aéroports et je partage leurs peines.
Dans la même étude, j’ai constaté que 65% des médecins pensent que le secteur de la santé peut encore être sauvé par des mesures simples et pratiques, ce qui leur permettra de revenir travailler en Tunisie, qui est en passe de devenir un pays de déserts médicaux, et ce malgré l’effort fourni depuis son indépendance en 1956 dans la formation de ses élites, notamment médicale.
Les raisons qui poussent les médecins tunisiens à quitter leur pays, comme le montre le tableau ci-dessous, sont, par ordre d’importance, 1- les conditions de travail inadaptées et le manque de moyens techniques (75,8%); 2- la rémunération inadéquate par rapport à l’effort fourni (73,5%); 3- l’insécurité dans les hôpitaux (62,3%); 4- le harcèlement moral et professionnel (50,6%); 5- la situation sociopolitique dans le pays (50,1%); 6- l’absence de perspectives de progrès en recherche scientifique (34,1%); et last but not least, 7- le monopole du secteur privé (15,3%).
Les raisons poussant les médecins tunisiens à émigrer
En conclusion, nous disons qu’il ne s’agit pas seulement de réaliser des statistiques et d’identifier les problèmes, mais de prendre des mesures concrètes pour les régler et essayer d’inverser ainsi la tendance. Et c’est là la tâche des pouvoirs publics.
* Anesthésiste réanimateur.
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