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Le poème du dimanche : «Antsa»* de Jacques Rabemananjara

Né en 1913 à Madagascar, le poète malgache, Jacques Rabemananjara, est une figure de la lutte pour l’indépendance de l’île. Il a connu la prison et l’exil. Il occupera, plus tard, des fonctions politiques et diplomatiques.

Voix importante de la poésie francophone. La poésie de Jacques Rabemananjara est marquée par le cri de liberté et célèbre son pays. Il fera, très tôt, partie de l’ouvrage qui met les bases à la revendication de la négritude, réalisé par Léopold Sédar Senghor, paru en 1948, Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, préfacé par Jean-Paul Sartre, repris aux PUF, en 2015. Dans lequel figurent d’autres poètes malgaches, comme Jean-Joseph Rabéarivelo et Flavien Ranaivo. Il est aussi dramaturge et a publié des essais. Il décède à Paris en 2005.

Parmi ses recueils : Antsa, 1947 (célèbre texte, écrit en prison); Antidote, 1961; Les Ordalies, 1972; Rien qu’encens et filigrane, 1987.

Tahar Bekri

Ils ont marqué tes côtes,

tes plaines et tes plateaux :

la pourpre immuable étendue

sur l’éclat royal de ton sein !

Passera la tourmente

comme ont passé

les tempêtes millénaires

qui ont mordu les huit os

de ta naissance,

noble Héritière des Eaux.

Ta grâce est fille des orages.

Ta force est sœur des ouragans.

Ton totem, l’aigle ami des foudres,

Madagascar !

Tu poursuivras, Ile,

ton sommeil à peine interrompu,

ton sommeil de déesse,

calme,

allongée au bras du temps

dans ton lit d’algues et d’embruns.

Ta pose

Ile chère, ô mon pays,

le défi magnifique

au carrefour des océans,

à la rencontre des Continents !

La ronde folle des pirogues

dans le conflit double des courants !

Déjà tes flancs sont rouges

de nos rêves tressés

depuis l’aube des temps épiques.

Rouges du silence des morts :

le vœu muet des Ancêtres.

Rouges des morsures du soleil :

le songe infini des latérites,

Madagascar !

Toi-même, Ile,

prise dans les rêts des alizés,

tu apparais rouge,

Madagascar !

Inaltérable Phare

sur les rangs étroits des récifs.

La rade au bout de l’aventure :

Le hâvre enchanté du matin !…

Sous l’Arbre Saint du Village,

le sang des fraises aux dents,

les filles mènent leur ronde ;

Liberté !

Les cantiques de nos pères,

les refrains moisis d’oubli

reluisent dans la lumière :

Liberté !

* Chant profond des ancêtres

(Extraits de, Antsa, écrit en prison d’Antanimora, Tananarive, mai 1947.)

http://kapitalis.com/tunisie/2019/06/09/le-poeme-du-dimanche-poeme-a-lafrique-daime-cesaire/ 

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