«Que serait la situation des Tunisiens si l’organisation syndicale n’avait pas existé», se demande le secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Samir Cheffi. L’arrogance qui l’anime, ainsi que ses camarades de la direction de la centrale syndicale, les empêche de constater tout le mal que celle-ci a causé à la Tunisie et, notamment, aux salariés qu’ils prétendent défendre. Coup de gueule pour coup de gueule…
Par Ridha Kéfi
Invité de l’émission Politika sur Jawhara FM, jeudi 6 janvier 2021, Samir Cheffi a de nouveau martelé que les salaires des Tunisiens sont parmi les plus faibles au monde, et que la centrale syndicale joue son rôle dans la défense du pouvoir d’achat des salariés en tenant compte de la situation économique et sociale difficile que traverse la Tunisie.
Dans sa réponse aux accusations portées contre l’UGTT pour son intransigeance et sa fermeté, M. Cheffi a souligné que son organisation ne restera pas inactive face à la privation des travailleurs de leurs droits et de leur dignité, et n’hésitera pas à jouer son rôle dans la défense de leurs intérêts, considérant que l’UGTT est l’une des rares organisations à avoir conservé sa bonne réputation, que ce soit au niveau national, régional ou international. «Que serait la situation des Tunisiens si l’organisation syndicale n’avait pas existé», s’est interrogé M. Cheffi en conclusion.
Le mal que l’UGTT a causé à la Tunisie
Tout comme les autres dirigeants de l’UGTT, qui ont (très démocratiquement !) tripatouillé les statuts de l’organisation pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats au sein du bureau exécutif et s’éterniser à leurs postes, M. Cheffi ne pouvait imaginer tout le mal que son organisation a causé à la Tunisie et, notamment, aux salariés qu’ils prétendent défendre.
En effet, et rien qu’avec les milliards de dinars de hausses annuelles des salaires qu’ils ont imposé aux gouvernements successifs, en recourant aux grèves, aux sit-in et aux arrêts intempestifs du travail dans les établissements et les entreprises publiques, où la centrale recrute l’essentiel de ses troupes et d’où elle tire l’essentiel de ses revenus, on aurait pu quasiment reconstruire le pays, améliorer les services publics délabrés (écoles, hôpitaux, infrastructures de transport…), équilibrer le budget de l’Etat, relancer l’investissement public et impulser le processus de développement des régions défavorisées et appelées à le rester encore plus longtemps.
Ces hausses des salaires, jamais suivies d’une amélioration de la production et de la productivité, dont les taux sont parmi les plus bas au monde (ce que les économistes de l’UGTT ne diront jamais), ont eu des résultats inversement proportionnels à ceux souhaités et, au final, nui aux intérêts des salariés que l’organisation prétend défendre. Car l’argent public qui part en fumée, sous forme d’augmentation salariale, n’a qu’un seul effet palpable : la hausse de l’inflation, qui augmente les prix, rogne sur le pouvoir d’achat, lequel à perdu, selon les estimations des écomistes indépendants, plus de 40% en 10 ans.
L’UGTT contribue à la faillite des entreprises publiques
Par ailleurs, et en s’opposant, toujours par les grèves, les sit-in et les arrêts intempestifs du travail, à toute tentative pour réformer les entreprises publiques, quitte à les privatiser ou à ouvrir leur capital au privé, la centrale syndicale contribue pour une grande part à la faillite de ces entreprises, à la détérioration des services que celles-ci sont censées assurer aux citoyens et à creuser le déficit des finances publiques, l’Etat étant souvent appelé à la rescousse pour les aider à payer les salaires de leurs innombrables salariés, des bras cassés et des corrompus dans leur majorité. Quant on sait que la plupart de ces entreprises souffrent de mauvaise gouvernance, de sureffectif et de déficit chronique, on imagine ce que le maintien du statu quo coûte à la communauté nationale, y compris notamment les salariés dont l’UGTT prétend défendre les intérêts.
L’exemple du port commercial de Radès, le poumon économique de la Tunisie, est éloquent à cet égard. Cette infrastructure vitale, où les syndicats règnent en maîtres, empêchant toute tentative d’assainissement, de renforcement des contrôles, de mécanisation des process et d’accélération des opérations, coûte des milliards de dinars de pertes à l’Etat et aux opérateurs privés, qui se plaignent depuis une vingtaine d’années des difficultés qu’ils éprouvent à faire débarquer et à faire embarquer leurs conteneurs dans les bateaux qui restent souvent en rade dans la baie de Tunis durant une ou deux semaines, causant d’énormes pertes à un pays déjà presque à genou.
Les pertes que l’UGTT a causé à la Tunisie et lui cause encore, aucun acteur politique actuel, dont l’irresponsabilité n’a d’égal que l’opportunisme et la lâcheté, n’osera en parler. Ben Ali, en son temps, avait su contenir l’appétit gargantuesque des dirigeants syndicaux et préserver ainsi l’économie du pays, dont la croissance moyenne était de 5% entre 1990 et 2010, taux qu’elle n’a jamais atteint depuis. L’homme avait certes beaucoup de défauts, mais c’était un vrai homme d’Etat, et non un margoulin comme ceux qui ont gouverné après lui.
C’est là aussi le sujet d’une étude sérieuse à conduire en vue d’éclairer les décideurs sur les décisions à prendre en vue de mieux encadrer le travail syndical pour réduire ses nuisances et en faire un véritable dynamo du développement économique.
Pour l’instant, et n’en déplaise à M. Cheffi et à ses camarades, qui défendent en réalité leurs intérêts en prétendant défendre ceux des travailleurs, l’UGTT est devenue au fil des ans un véritable obstacle à la croissance en Tunisie.
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