En cherchant à se rassurer lui-même, en s’affichant à chaque fois tapageusement avec les forces armées et sécuritaires, Kaïs Saïed ne manque pas d’alimenter les craintes de ses opposants qui l’accusent d’accaparer tous les pouvoirs et de poursuivre son projet de dictature qui ne dit pas son nom.
Par Imed Bahri
En recevant hier, jeudi 5 mai 2022, au palais de Carthage, le ministre de la Défense nationale Imed Memmiche, le président de la république Kaïs Saïed «a pris connaissance du niveau de promptitude des forces armées militaires et mis l’accent sur leur rôle majeur dans la protection de la patrie et la préservation de l’Etat et de la paix sociale dans le pays», selon le communiqué publié par la présidence de la république à l’issue de la rencontre.
Le chef de l’Etat a également «salué les efforts considérables déployés par les forces armées militaires dans l’accomplissement de leur mission de sécurisation des élections et des examens nationaux ainsi que le secours à la population et la lutte contre la pandémie de Covid-19», ajoute le communiqué.
Saïed cherche à se rassurer…
Cette rencontre intervient quelques heures avant l’entretien du chef de l’Etat, au siège du ministère de l’Intérieur à Tunis, avec le ministre Taoufik Charfeddine et les hauts cadres sécuritaires, au cours duquel il a reconnu que la situation en Tunisie est difficile, tout imputant la responsabilité des derniers incendies survenus ces derniers jours dans le pays, aux «ennemis de l’Etat qui cherchent à le fragmenter et à nuire à ses institutions, à la paix sociale et à la sécurité alimentaire des Tunisiens» et en les appelant à «se préparer et à prévenir d’éventuels incendies de champs de céréales» dont la saison des récoltes va démarrer dans quelques jours.
C’est ce contexte général où les objets d’inquiétude ne manquent pas, en raison de l’aggravation, sur le plan intérieur, de la crise politique, économique et sociale, et, sur le plan extérieur, de la détérioration de la situation sécuritaire dans la Libye voisine, qu’il faut situer toutes ces déclarations qui traduisent, chez le chef de l’Etat, une volonté de se rassurer et de rassurer les Tunisiens sur la capacité de l’Etat à préserver la paix et la sécurité civiles.
Mais le problème c’est qu’en cherchant à se rassurer lui-même, en s’affichant à chaque fois tapageusement avec les forces armées et sécuritaires, M. Saïed ne manque pas d’alimenter les craintes de ses opposants, et pas seulement ceux réunis au sein du Front national du salut (FNS), qui l’accusent d’accaparer tous les pouvoirs dans le pays et de poursuivre son projet de mise en place d’une dictature qui ne dit pas son nom. Acte manqué ou acte délibéré visant à impressionner et à intimider ses opposants ?
Hésitations, lenteurs, rigidités et colères
Le chef de l’Etat a beau continuer à clamer sa détermination à respecter les règles de la démocratie, les droits de l’homme et la liberté d’expression et de presse, il a de plus en plus mal à rassurer, car ses faits et gestes trahissent, ne fut-ce que par leur agressivité et leur unilatéralité, une tentation autoritaire incompatible avec ses prétentions démocratiques.
D’où l’atmosphère de tension et de fin règne qui obscurcit l’horizon, sème les doutes et les suspicions et alimente de légitimes inquiétudes chez beaucoup de Tunisiens, pas nécessairement opposés à M. Saïed, et les partenaires internationaux de notre pays, qui ne voient vraiment pas où le locataire du palais de Carthage est en train de mener son pays. D’autant que ce dernier, par ses hésitations, ses lenteurs, ses rigidités et ses colères, qui sont les principales marques de son règne, ne donne pas l’impression de bien tenir les rênes du pouvoir et de savoir lui-même où il est en train de mener le pays.
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