Les membres de la commission électorale sont déjà assez bousculés par le temps qui devient trop court et l’ampleur des tâches qui les attendent pour garantir les conditions optimales de réussite au référendum du 25 juillet 2022 sur la nouvelle constitution et aux législatives anticipées du 17 décembre, pour que les pressions continues du président de la république Kaïs Saïed ne rajoutent pas à leurs difficultés, qui sont déjà énormes.
Par Imed Bahri
Le président de la république a rencontré, jeudi 2 juin 2022, au palais de Carthage, le président de l’Instance supérieure pour les élections (Isie) Farouk Bouaskar. C’est la troisième rencontre entre les deux hommes en moins de quinze jours (les deux précédentes ayant eu lieu les 18 et le 27 mai). Est-ce la meilleure façon pour calmer les critiques de ses opposants qui l’accusent de faire pression sur la commission électorale à quelques semaines du référendum du 25 juillet sur son projet très controversé de nouvelle constitution?
Un interventionnisme de mauvais aloi
Non, bien sûr, cette manière qu’a le chef de l’Etat de vouloir tout contrôler lui-même, y compris les instances dont la mission est censée être politiquement indépendante du pouvoir exécutif, comme l’Isie, ne plaide pas en sa faveur. Au contraire, cet interventionnisme pourrait être interprété comme une volonté d’imposer son projet politique par tous les moyens, projet dont le référendum, devant être organisé par l’Isie, est le second important jalon, après la consultation nationale numérique et avant les législatives anticipées du 17 décembre.
Hier, Kaïs Saïed a, selon un communiqué de la présidence de la république, souligné la nécessité d’une «bonne préparation du référendum et de l’assouplissement des procédures d’inscription automatique des citoyens et de la participation des non-voyants».
Tout en insistant sur la nécessité de bien préparer le référendum du 25 juillet, en particulier après l’introduction des amendements nécessaires dans le décret n° 2022-34 du 1er juin 2022 portant révision de la loi fondamentale n° 2014-16 du 16 mai 2014. sur les élections et le référendum, le président de la république a également insisté sur «la liberté des citoyens de choisir les bureaux de vote, pour autant qu’il ne s’agisse pas de consultations électorales, mais d’un référendum qui n’exige pas les mêmes conditions que les élections législatives et municipales».
Au cours de cette réunion, la question de la participation des aveugles et de la nécessité de fournir des bulletins de vote en braille a aussi été soulevée, afin que ces citoyens puissent choisir eux-mêmes la réponse, sans avoir besoin de demander l’aide de qui que ce soit, ajoute le communiqué de la présidence.
Les craintes du chef de l’Etat
Cette insistance présidentielle sur la mise en œuvre de tous les moyens pour faciliter une participation la plus massive possible des citoyens au référendum du 25 juillet, portant sur la nouvelle constitution en cours de rédaction par une commission d’experts sous sa conduite directe, trahit chez Kaïs Saïed la crainte de voir la participation ne pas atteindre les niveaux requis pour que le résultat final puisse constituer un plébiscite personnel pour lui et son projet de réforme politique.
Le président de la république, qui a choisi lui-même une date impossible pour la tenue de «son» référendum, où il joue sa crédibilité et même, selon certains, son avenir (la date du 25 juillet coïncidant avec les grandes vacances de l’été, période caractérisée par une grande mobilité des citoyens), semble s’être rendu un peu tard de son mauvais choix, mais obstiné et têtu comme il l’a toujours été, il préfère ne pas reconnaître son erreur, ni faire marche-arrière ou reporter la date du référendum à la rentrée, au risque de donner encore du grain à moudre à ses opposants, qui se mobilisent pour faire échec à son projet.
Le coup est donc parti, et les membres de l’Isie sont déjà assez bousculés par le temps qui devient trop court et l’ampleur des tâches qui les attendent pour que les pressions présidentielles ne rajoutent pas à leurs difficultés. Et tout cela sur un fond de grave crise économique et financière peu propice à l’accroissement des dépenses publiques, surtout lorsque celles-ci sont jugées superfétatoires, les gens ayant des urgences et des priorités beaucoup plus terre-à-terre.
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