Le torchon continue de brûler entre la présidence de la république et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et, à quelques jours de la grève du secteur public, fixée pour le 16 juin 2022, rien n’indique que les problèmes vont être aplanis. Il n’y a pas non plus de contacts entre Carthage et la Kasbah d’un côté et la place Mohamed Ali, où se trouve le siège de la centrale syndicale, de l’autre. La confrontation semble inévitable et aucune des deux parties n’est disposée à lâcher du lest, sachant qu’aucune d’elles n’en sortira gagnante.
Par Imed Bahri
Noureddine Taboubi, qui est en passe d’endosser le costume du leader de l’opposition au président de la république Kaïs Saïed et à ses projets de réforme, multiplie les déclarations incendiaires qui se résument en deux phrases : rien ne se fera sans l’accord préalable de l’UGTT et aucune réforme, quelle qu’elle soit, ne passera.
Les fameuses «ligne rouges» se multiplient et on voit mal comment le gouvernement peut mettre en route les réformes envisagées et sur lesquelles il s’est engagé avec les bailleurs de fonds sans, nécessairement, outrepasser ces lignes.
La politique de l’autruche
Le gouvernement le sait bien, et pourtant il continue de louvoyer, de multiplier les appels soporifiques au dialogue et de botter en touche pour ne pas avoir à faire face aux problèmes qui se posent et qui, eux, n’attendent pas, car ils engagent la vie quotidienne de la population : inflation, hausse des prix, cherté de la vie, chômage, déficits extérieurs, endettement…
Sami Tahiri, secrétaire général adjoint de l’UGTT, a bien résumé la situation en appelant le gouvernement à traduire sa décision d’ouvrir le dialogue avec la centrale syndicale par la tenue d’une session de négociation. Il répondait ainsi à la déclaration du porte-parole du gouvernement dans laquelle il évoquait, sans trop y croire lui-même, la volonté du gouvernement de dialoguer avec le syndicat concernant la grève du 16 juin. «Le syndicat a donné suffisamment de temps au gouvernement, mais jusqu’à présent, il n’a pas cherché à négocier», a lancé Tahri, en présidant, dimanche 12 juin 2022, un séminaire de cadres syndicaux à Gafsa, tout en rappelant la volonté du syndicat de négocier et de tendre la main au dialogue.
Un poker menteur
En fait, tout ce beau monde joue au poker menteur : le gouvernement, dont les finances sont des plus exsangues, n’a rien à donner et la centrale syndicale ne veut rien céder de ses revendications, sachant que les bailleurs de fonds, le Fonds monétaire international (FMI) en tête, attendent de connaître l’issue de cette confrontation pour décider de leur politique future vis-à-vis de la Tunisie. D’autant qu’ils n’ont confiance ni dans la capacité du gouvernement à implémenter les réformes qu’il prétend vouloir mettre en route, ni dans la disposition de l’UGTT à jouer la carte de la solidarité nationale face à la crise, quitte à faire quelques concessions et sacrifices, le temps que l’économie reprenne son souffle et que la croissance retrouvée donne une marge à la négociation sociale.
C’est cette à séquence dramatique que nous assistons, impuissants, nous autres contribuables, qui subissons les conséquences catastrophiques de cette guerre d’égos déclenchée par une classe politique incompétente, irresponsable et lâche, et une centrale syndicale jusqu’au-boutiste et qui ne recule devant aucun excès.
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