Tunisie-Hausse des prix : le contribuable mis à rude épreuve

Le monde fait face aujourd’hui à une hausse vertigineuse des prix. Mais si, dans beaucoup de pays, on prend des mesures pour atténuer les effets de cette hausse sur le pouvoir d’achat des citoyens, en Tunisie, où l’Etat fait face à une grave crise financière, ce sera le contribuable qui, au final, subira les conséquences de la crise, avec, d’un côté, la levée progressive des subventions, et de l’autre, l’augmentation attendue des impôts.

Par Amine Ben Gamra *

Les dépenses de l’Etat au titre des subventions doivent enregistrer une hausse en 2022 pour atteindre 4,2 milliards de dinars (1,3 md d’euros) contre 3,2 mds de dinars en 2021 (environ 1 md d’euros). Ce coût devrait dépasser les 5 mds de dinars (1,5 md d’euros) en 2023.

Ces dépenses supplémentaires doivent-elles être financées par les impôts, qui sont déjà jugés très élevés, ou, comme ce fut souvent le cas, par la dette, qui atteint un seuil critique en plafonnant à 100% du PIB?

La nécessaire protection des ménages

Comme l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), partenaires essentiels de la Tunisie, sont de plus en plus perplexes face à ce qui se passe dans notre pays, qui absorbe l’aide internationale sans montrer aucun signe d’amélioration de ses équilibres généraux, c’est, parions-le, le contribuable qui sera mis à contribution pour payer les pots cassés d’une très mauvaise gouvernance publique.

La question est donc de savoir comment gérer cette situation socialement difficile et protéger au mieux les ménages, qui subissent déjà la hausse générale des prix et la baisse continue de leur pouvoir d’achat.

Depuis que les prix de l’énergie ont commencé à augmenter, en raison de la reprise économique post-Covid et de la guerre russo-ukrainienne, les États membres de l’UE se sont employés à mettre en place une série de dispositifs destinés à atténuer le choc. Ces mesures peuvent être regroupés sous deux rubriques : la réduction temporaire des taxes sur l’énergie ; et la réglementation des prix qui consiste à découpler les prix de certains produits, comme l’électricité, de leur coût marginal.

Par exemple, la France a demandé à la principale compagnie d’électricité du pays de limiter la hausse des prix à 4% pour 2022 et de satisfaire la demande à ce prix, demandant ainsi à la compagnie d’absorber une grande partie du coût, ce qui entraîne une forte diminution anticipée des flux de trésorerie et une forte baisse de la valeur marchande.

Hausse des prix et baisse des subventions

En Tunisie, le gouvernement envisage, dans le cadre de la rationalisation des subventions dans le secteur des hydrocarbures, d’atteindre les prix réels des bouteilles de gaz liquéfié destinées à la consommation d’ici 2026, avec l’adoption de mesures de soutien, lesquelles consistent à développer un programme de transferts financiers dans le cadre de la réforme du système de subventions des produits de base.

Il envisage aussi, la libéralisation de l’importation des produits pétroliers dès que les prix réels seront en vigueur, tout en préservant le rôle de la Société tunisienne des industries de raffinage (Stir) dans la sécurisation de l’approvisionnement et le développement des capacités de stockage, ainsi que la rationalisation de la consommation des produits pétroliers et l’ajustement progressif des prix de l’électricité et du gaz

C’est, donc, au final, le contribuable qui subira les conséquences de toutes ces évolutions par, d’un côté, la levée de la subvention, et de l’autre, l’augmentation des impôts.

Dans tout ça, la population, prise en otage, traversera une période difficile. La vie coûtera toujours plus cher et les salaires ne bougeront plus.

A toutes les strates de la société, la peur de prendre des décisions et d’aller de l’avant est omniprésente. L’envie de travailler et de sortir la nation du pétrin n’est plus là. Et pour ne rien arranger, la crise politique dans laquelle est plongée le pays depuis de nombreuses années lézarde tous les jours un peu plus l’espoir d’une vraie relance économique. 

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.

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