La Tunisie s’était déjà trouvée au bord de la faillite en 1986, mais à cette époque, elle avait réussi à mettre en œuvre un plan d’urgence économique qui lui a permis, en seulement quelques années, de retrouver le chemin de la croissance et de rembourser toutes ses dettes. Elle se retrouve aujourd’hui dans la même situation, mais a-t-elle les hommes et les femmes qu’il faut aux commandes de l’Etat pour relever un tel défi ? (Illustration: en 1986, la Tunisie a trouvé en Ben Ali l’homme capable de la sortir de la crise. Saïed pourra-t-il l’en sortir aujourd’hui ?)
Par Amine Ben Gamra *
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la question de l’approvisionnement en énergie est devenue centrale dans la géostratégie mondiale. Après les fortes hausses de prix amorcées avec la reprise post-Covid, l’invasion russe de l’Ukraine provoque un nouveau séisme économique. Pour le gaz et le pétrole, les prix s’envolent. Et cette envolée pourrait durer.
En Europe et pour passer l’hiver et surmonter la chute des livraisons de gaz russe, la Commission européenne demande notamment aux Etats membres de l’Union européenne (UE) de réduire, entre août 2022 et mars 2023, leur consommation nationale de gaz d’au moins 15% par rapport à la moyenne des 5 dernières années sur la même période.
Objectifs contraignants de réduction de la demande
En cas de risque substantiel de grave pénurie, et si les efforts volontaires ne suffisaient pas, Bruxelles propose aussi un mécanisme d’alerte, après consultation des Etats, qui permettrait de fixer aux Vingt-Sept des objectifs contraignants de réduction de la demande.
Dans notre pays, on passe par une période d’incertitude avec une économie structurellement en panne, qui plus est, bousculée par des tensions géopolitiques provoquées notamment par la crise de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine.
Une crise venant s’ajouter à une autre, ralentissant la croissance et poussant l’inflation à la hausse.
Cette inflation galopante et les hausses consécutives des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale, associées à la crise énergétique, alimentaire et sanitaire font peser de graves menaces sur l’économie nationale. Et le pire n’est pas à écarter, eu égard l’inconscience, l’incompétence et l’irresponsabilité dont fait preuve aujourd’hui la tête de l’exécutif, complètement sourd aux exigences économiques.
Le panorama n’est donc pas très rassurant. Le resserrement monétaire de 2018, beaucoup moins agressif, alors que l’inflation n’était pas aussi forte qu’aujourd’hui, a déjà entraîné des pays comme l’Argentine et la Turquie dans des crises de la dette. Désormais, le Sri Lanka s’ajoute aux pays en défaut de paiement. Mais la liste des pays menacés de vivre la même situation est beaucoup plus longue.
Pour un remake du redressement de 1987
Pour mémoire, la seule fois où la Tunisie s’était trouvée au bord de la faillite au cours de la période contemporaine remonte à 1986. A cette époque, les réserves en devises ne pouvaient couvrir que trois jours d’importation. La sonnette d’alarme avait été tirée à cause de la hausse des taux d’intérêts et la peur de récession aux États-Unis surtout en cas d’un conflit à propos de Taïwan. Mais un Plan d’ajustement structurel (PAS) avait été conclu avec le Fonds monétaire international (FMI) et des mesures d’urgence économique ont été mises en œuvre sur fond de malaise social, et malgré la destitution de Bourguiba et la prise de pouvoir par Ben Ali, ou grâce à ce changement, l’économie n’a pas tardé à reprendre le chemin de la croissance pour atteindre 11 % en 1992 et rester sur un trend positif autour de 5 et 6% durant les vingt années suivantes. Ce qui a permis à notre pays de rembourser toutes ses dettes rubis sur ongle et de devenir le bon élève choyé par tous les bailleurs de fonds internationaux.
La Tunisie serait-elle capable de revivre le même scénario de redressement national ? A-t-elle les hommes et les femmes qu’il faut aux commandes de l’Etat pour relever un tel défi ? Et c’est là toute la question à laquelle chaque citoyen doit tenter de trouver une réponse, en son âme et conscience.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
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