L’inflation a atteint 8,6 % en août 2022, le taux le plus le plus élevé en Tunisie depuis plus de 36 ans. C’est un cancer qui ronge le pouvoir d’achat des populations, démolit la compétitivité des entreprises et de l’économie, prépare à une dévaluation forte, appauvrit le pays. Dans cette affaire, il n’y a que des perdants. Notre pays est à un tournant historique. Le navire est au cœur du cyclone. Il tangue violemment.
Par Radhi Meddeb *
L’Institut national de la statistique (INS) vient de publier le chiffre de l’inflation du mois d’août 2022. Celle-ci, en glissement annuel, se situe à 8,6%.
1. C’est le niveau d’inflation le plus élevé depuis plus de 36 ans (avril 1986)…
2. Le niveau de l’inflation ne cesse d’augmenter depuis mars 2021. Il était alors revenu à 4,8%. Depuis, il n’a cessé d’augmenter de mois en mois.
3. En Tunisie, 73% des prix sont libres et 27% sont dits administrés, c’est-à-dire fixés administrativement.
L’augmentation des derniers mois est la moyenne pondérée entre les deux. Or, les prix administrés n’ont évolué que de 0,5%. Cela veut dire que les prix dits libres ont augmenté de 14,1% en rythme annuel, au titre du mois d’août. C’est ce niveau qui est perçu par le consommateur…
4. L’augmentation n’est pas homogène pour tous les produits. Elle a été plus élevée pour les produits alimentaires (+11,9%), les produits liés à l’éducation (+10%)…, soit des produits de première nécessité qui impactent directement le pouvoir d’achat.
5. La Banque centrale a la responsabilité légale de veiller à la stabilité des prix. Les outils à sa disposition sont limités. Ils consistent essentiellement à réguler la quantité de monnaie qui circule. Cela passe par la fixation du coût du crédit (à travers le taux directeur). Sur les 18 derniers mois, la BCT a procédé à des relèvements de ce taux, aujourd’hui à 7%. Elle procédera probablement, sans surprise, à de nouvelles hausses sur les prochaines semaines.
Cela est nécessaire mais, strictement insuffisant, en dehors de politiques économiques de vraie relance par l’offre.
6. Une part importante de cette inflation est importée. Les prix des hydrocarbures et autres matières premières, plus particulièrement agricoles, ont explosé avec la guerre en Ukraine.
Mais, ne nous trompons pas : l’augmentation des hydrocarbures n’a pas encore eu ses répercussions sur les prix en Tunisie. Celle des céréales destinées à la consommation humaine non plus. L’État a préféré continuer à les prendre en charge, à travers la compensation.
7. Une part significative de l’inflation est due à la faiblesse de la production en Tunisie.
On ne retournera pas la tendance haussière des prix sans un véritable choc de l’offre, un retour à la production : agricole, industrielle et de services.
L’action de la BCT seule n’y fera rien. C’est la politique économique qui est en jeu.
8. En l’absence d’un choc de l’offre, le niveau de l’inflation est appelé à continuer à augmenter. Le nécessaire réaménagement des prix des produits subventionnés pourrait entraîner des augmentations généralisées de tous les prix. Il ne pourra plus tarder démesurément. Les finances de l’Etat mais aussi l’accord qui a trop tardé avec le FMI, le rendent inéluctable.
9. Cette flambée des prix, actuelle et à venir, rend difficile un accord avec la centrale syndicale, pourtant exigé par le FMI pour avancer.
L’inflation est un cancer qui ronge le pouvoir d’achat des populations, démolit la compétitivité des entreprises et de l’économie, prépare à une dévaluation forte, appauvrit le pays. Dans cette affaire, il n’y a que des perdants.
La Tunisie est à un tournant historique. Le navire est au cœur du cyclone. Il tangue violemment.
Il est de la responsabilité de toutes les parties prenantes de faire preuve de raison pour des compromis historiques plus que nécessaires, aujourd’hui avant demain!
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