Du point de vue des spécialistes, plusieurs points de la nouvelle loi électorale, promulguée unilatéralement par décret présidentiel et en dehors de toute consultation digne de ce nom, posent problèmes et peuvent provoquer des écarts vis-à-vis des principes démocratiques qu’elle est censée défendre. Ces points concernent, à titre d’exemples, les parrainages, le découpage électoral, l’exclusion des compétences nationales, la marginalisation des femmes… Vidéo. (Illustration : Salsabil Klibi).
Le président de la république a consulté l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) pour avis sur le décret-loi portant modification de la loi électorale avant sa promulgation, le 15 septembre 2022 par décret présidentiel.
A cet effet, l’instance a donné son avis et donnera également son avis sur le texte de la version définitive telle que publiée au Journal officiel de la république tunisienne (Jort), a indiqué Maher Jedidi, membre de l’Isie, ajoutant que la spécificité de l’autorité électorale est de s’intéresser aux aspects purement techniques et juridiques et non politiques.
Le membre de l’Isie a révélé que le nombre de parrainages tel que présenté dans le projet de révision soumis à l’Isie a été fixé à 200 avant d’être porté à 400, soulignant que ce chiffre élevé soulèvera des difficultés importantes dans la pratique, notamment en ce qui concerne les circonscriptions à l’étranger.
S’exprimant hier, samedi 17 septembre, à une table-ronde organisée par l’Association tunisienne de droit constitutionnel (ATDC), intitulée «Lecture du décret-loi n° 55 de 2022 portant modification de la loi organique relative aux élections et au référendum», Jedidi a souligné que les impressions de l’autorité concernant ce décret-loi sont globalement «bonnes», soulignant que la présidence de la république a pris en compte les observations faites par l’Isie. En revanche, elle a ajouté d’autres points que l’Isie aurait préféré ne pas inclure dans le texte de la loi électorale, citant en exemple la délicate question du parrainage.
Le professeur de droit constitutionnel, Abderrazek Mohktar, a estimé, de son côté, que le durcissement des conditions d’éligibilité dans le décret-loi modifiant la loi électorale aura malheureusement un effet inverse, puisqu’il pourrait conduire à l’exclusion de plusieurs compétences susceptibles de se présenter pour l’élection.
De son côté, la constitutionnaliste Salsabil Klibi est revenue sur la question du parrainage, affirmant que cette procédure est censée s’appliquer au niveau local, ce qui signifie que le candidat ne peut récolter des parrainages en dehors de sa circonscription électorale, alors que l’institution à laquelle il est éligible est une institution nationale et non un conseil régional, étant donné que le député est un représentant de toute la nation, toutes franges et catégories confondues.
Elle a estimé que le suffrage uninominal «n’est pas un mode de scrutin indulgent pour les femmes et les jeunes», dans le sens où il «ne favorise pas la représentation des femmes ou des jeunes dans les cercles du pouvoir, contrairement au scrutin de liste qui prévoit la parité».
Klibi a également vivement critiqué la question du découpage des circonscriptions, affirmant qu’il est un choix éminemment politique, qui nécessite des connaissances scientifiques et un temps supplémentaire pour l’étudier sous tous ses angles, préférant le confier à des experts en géographie humaine. Elle a indiqué que le découpage prévu par le décret-loi portant révision de la loi électorale est «tronqué», puisqu’il «ne tient pas compte des bases scientifiques ou démographiques des circonscriptions électorales», regrettant que ce mode de découpage électoral du point de vue du scrutin uninominal favorise le candidat se présentant dans un cadre très restreint, contrairement au mode de scrutin de listes.
D’après Tap.
Donnez votre avis