Témoignage d’un séjour désagréable à Djerba

L’auteur, franco-tunisien, qui a passé récemment un séjour touristique dans l’île de Djerba, a été désagréablement surpris par la qualité douteuse de l’accueil qu’il y a trouvé et a tenu à en témoigner dans cette tribune où nous avons tu sciemment le nom de l’hôtel en question, par charité musulmane.   

Par Kaïs Krissane *

En préambule de ce témoignage, je voudrais souhaiter tout le meilleur du monde à tous ceux qui travaillent honnêtement dans le secteur du tourisme en Tunisie et qui se battent au quotidien pour sauvegarder leur gagne-pain.

Ensuite, je voudrais dire que ce n’est pas parce que certains professionnels sans moralité usent et abusent par tous les moyens pour arnaquer, en rigolant, les touristes que tout le secteur est pourri, bien au contraire. Cela dit, il y a nécessité d’assainir ce secteur des acteurs de l’informel, qui risquent de mettre en péril sa survie même. Et de toute façon, la force de frappe des réseaux sociaux finira par couler ceux qui ne feront pas cet effort d’assainissement nécessaire. 

Dans ce témoignage, je présente quelques unes des raisons pour lesquelles un touriste hésitera avant de mettre les pieds dans les hôtels de Djerba ou d’autres zones touristiques dans notre pays.

Après 17 années d’absence, j’ai eu le plaisir de me rendre en vacancier à Djerba, dans un hôtel dit 4 étoiles, selon le voyagiste.

On a beau dire de Djerba qu’elle est l’une des plus belles îles du monde, il arrive parfois que certains endroits de l’île soient vraiment en-dessous du minimum requis en matière d’accueil et qui dégoûtent les clients.

Voici donc pour les hôteliers un bref relevé des griefs relevés et auxquels ils doivent remédier au plus vite, sauf s’ils veulent fermer boutique.

Accueil froid et manque de professionnalisme, en raison d’un personnel sans formation préalable: à notre arrivée, nous étions deux couples descendus du car à19h. Derrière le comptoir de l’accueil, la jeune femme de corvée nous regarde béatement sans prononcer un seul mot, même pas pour nous dire bonsoir, bienvenue, j’espère que vous avez fait un bon voyage, installez-vous, un verre de bienvenue va vous être servi… Rien.

Elle nous tend des fiches à remplir, on se croirait à la police des frontières. On nous attribue des chambres et l’on constate, peu après, que l’eau dans les chambres n’est pas potable : elle a un certain goût et une certaine odeur insupportables. On imagine l’embarras d’une personne soumise à un traitement strict et qui doit prendre ses médicaments sans risquer d’attraper une dysenterie. Pis encore : aucune information à ce sujet n’est affichée. L’eau est chaude et imbuvable.

Après trois jours, on apprend aussi qu’on peut louer un frigo pour avoir de l’eau en bouteille achetée par nos moyens, moyennant, bien sûr, un supplément, alors que le site web de l’hôtel annonce des chambres avec frigo. C’est encore du vol et, tout le long de notre séjour, des prestations diverses nous sont vendues en euros, les prix n’étant pas affichés en monnaie locale.

Alimentation ne reflétant pas la richesse gastronomique du pays : «Si tu as des envies de croissants parisiens, ne viens surtout pas en Tunisie» : c’est ma devise de Parisien originaire de Tunisie. Le souci est que l’on s’attendait à un petit-déjeuner local avec comme partout un jus, de la confiture, des boissons naturelles… Non, ici, les boissons sont chimiques, l’eau fraîche inexistante, le jus d’orange frais payant : 5 dinars les deux petites oranges pressées. C’est honteux, car on avait acheté un séjour soi-disant all inclusive.

Les repas ne sont pas meilleurs et pis encore, il faut faire la queue pour les boissons. Certes, le touriste ne vient pas en Tunisie pour trouver les meilleurs vins, ni les meilleurs apéritifs. Mais, à notre connaissance, l’eau fraîche existe dans notre pays. Bien sûr, celui qui paie un séjour all inclusive ne s’attend pas à un service complet avec apéritifs, vins et divers autres boissons à la demande. Mais de là à devoir quémander les boissons fraîches qui sont carrément rationnées !

Durant deux semaines, les gens mangent le même dessert, melon blanc, provoquant des diarrhées pour certains, car pas assez mûr, pastèque et gâteaux très crémeux contre-indiqués pour un régime sain, d’autant que la température est élevée et que les aliments tournent rapidement.

Mélange douteux des clientèles dans l’hôtel : coïncidence, habitude de l’hôtel ou exception qui tombe avec notre séjour : plus de 30% de la clientèle est formée de résidents libyens accompagnés de femmes et enfants, avec des usages qui leur sont propres et qui ne conviennent pas au reste de la clientèle européenne, venue pour se reposer et/ou profiter des installations, dans le respect de l’hygiène élémentaire, en particulier en raison de retour du Covid-19.

Certaines clientes se baladent recouvertes de la tête aux pieds d’un voile qui cache leur identité, ce n’est pas rassurant dans un pays dont des hôtels ont été récemment la cible d’attentats.

Ces mêmes clientes se baignent dans la piscine toutes habillées, et personne du staff ne leur explique que cela est contraire aux règles de l’hygiène. De quoi vous passer définitivement l’envie de piquer une tête !

La conséquence est immédiate : pendant que ces dames sont dans l’eau, aucun client venu d’Europe ne se hasarde à se baigner.

Des rues et des routes sales : en se baladant en ville, que ce soit à Midoun ou Houmt-Souk, et en traversant les routes de l’île et autres endroits visités à dos de dromadaires ou à cheval, on est choqué par la saleté partout : sacs et bouteilles en plastique et divers autres détritus. Le manque de civisme des habitants est horrifiant et on se demande ce que les municipalités font (ou ne font pas) pour remédier à cette honteuse situation.

Ce problème ne relève pas bien sûr de la responsabilité des seules autorités. Car elle est collective et les citoyens doivent apprendre un peu de discipline.

Des plages également sales : un groupe de 4 à 5 hôtels se partagent des mini-plages privatives. Soit et c’est très bien. Sauf que le chemin à faire, long de 700 mètres, pour atteindre ces plages, est sale. A gauche comme à droite et à l’approche même de la plage, des crottes de cheval et de dromadaire jonchent le sable. Lorsqu’ils ne peuvent les éviter, les clients marchent dessus. Les chameliers et les organisateurs de balades à chevaux doivent être responsabilisés et s’organiser pour assurer le ramassage des crottes de leurs bêtes.

Ayant constaté la présence d’un dépôt de poubelles sur la plage privée de l’hôtel, nous avons signalé ce fait à l’hôtelier. Et qu’a-t-il fait ? Au lieu de charger quelqu’un d’enlever les poubelles, il a préféré arracher le panneau indiquant qu’il s’agit de la plage privée de l’hôtel. Il croyait ainsi éviter que le panneau portant l’enseigne de son établissement soit associé aux poubelles.

La responsabilité de toutes ces carences est certes collective et partagée. Mais elle incombe surtout aux professionnels et à tous ceux et celles qui vivent, directement ou indirectement, du secteur touristique. Les petits calculs et la recherche du gain immédiat peuvent être couteux à long terme.

La concurrence est certes rude et tout le système est érigé pour tirer le maximum du touriste, ce qui est normal, mais il faut proposer à ce dernier des services conséquents.

Le tourisme, par ailleurs, n’est pas la seule affaire des transporteurs et des hôteliers : il implique de nombreuses catégories professionnelles et sociales, jusqu’au commun des mortels qui fait le rabatteur de la clientèle vers les magasins d’artisanat, en passant par la femme de chambre, l’animateur, le serveur, le chamelier ou le conducteur de la calèche, qui doivent tous être irréprochables.

L’histoire du jeune couple venu en voyage de noce et qui s’est vu exiger le paiement de 750 euros pour une petite sortie en mer a dégénéré en dispute à laquelle ont assisté tous les autres clients de l’hôtel. Cet épisode est à lui seul symptomatique des maux d’un secteur qui ne parvient pas vraiment à se réformer et à améliorer son standing.  

* Expert immobilier indépendant, cadre bancaire à la retraite.

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