Onze ans de palabres judiciaires, politiques et médiatiques sur les avoirs spoliés du peuple tunisien par le clan de l’ancien président Ben Ali… pour rien. Quels gâchis de temps, de salive, de procédures fastidieusement inutiles et de devises fortes payées à des cabinets d’avocats étrangers, pour en arriver à un nouvel échec cuisant, judiciaire, politique et diplomatique ! (Illustration : curieux retour de manivelle de l’Histoire : beaucoup de Tunisiens regrettent déjà Ben Ali!)
Par Imed Bahri
En effet, le Journal officiel de l’Union européenne (UE) a publié vendredi 28 octobre 2022 un règlement du Conseil de l’UE pris sur proposition du Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité en date du 27 octobre en vertu duquel sont supprimées les mentions relatives à sept personnes pour lesquelles des mesures restrictives ont été décidées le 4 février 2011 au regard de la situation en Tunisie. En vertu des mesures restrictives, les biens et avoirs de ces personnes dans les pays de l’UE sont gelés.
Les «prouesses» de la justice tunisienne
Ces sept personnes dont les noms sont publiés en annexe de ce règlement, tous des membres du clan de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, récupèrent enfin leurs fonds et avoirs gelés. Il s’agit de
– Mohamed Ben Moncef Ben Mohamed Trabelsi;
– Kaïs Ben Slaheddine Ben Haj Hamda Ben Ali;
– Hamda Ben Slaheddine Ben Haj Hamda Ben Ali;
– Najmeddine Ben Slaheddine Ben Haj Hamda Ben Ali;
– Najet Bent Slaheddine Ben Haj Hamda Ben Ali;
– Imed Ben Habib Ben Bouali Ltaief;
– Naoufel Ben Habib Ben Bouali Ltaief.
Au vu des «prouesses» de la justice tunisienne qui s’est montrée jusque-là incapable de produire des jugements juridiquement acceptables par des juges européens, on peut sérieusement s’attendre à ce que le gel soit aussi levé sur les biens et avoirs des membres les plus proches de l’ancien dictateur, y compris ceux de sa veuve Leila Trabelsi, de son beau-frère Belhassen Trabelsi et de son gendre Sakher El-Materi, qui furent les plus évidents symboles de la corruption sous l’ancien régime.
Echec judiciaire, certes, mais aussi échec diplomatique (encore un, dirait l’autre), la Tunisie étant incapable de faire entendre sa voix auprès de ses partenaires historiques, comme l’UE et les Etats-Unis, pourtant très bien disposés à son égard au lendemain de la «révolution» du 14 janvier 2011, mais qui ne comprennent pas comment, depuis, tout dans notre pays est parti en vrille.
Espoirs écroulés comme un château de cartes
Et dire que le président Kaïs Saïed, homme de discours et de postures plus que d’actes ou de réalisations, avait créé récemment un comité pour «récupérer les fonds pillés au peuple tunisien» (sic !). Des comptes doivent être demandés à ceux qui ont sapé les efforts de la Tunisie pour récupérer les fonds pillés et répondre au droit de la Tunisie de récupérer les fonds du peuple, avait-il pompeusement déclaré.
A qui va-t-on demander des comptes aujourd’hui, alors que, onze ans après la chute de l’ancien régime, tous les espoirs de dignité et de prospérité se sont écroulés comme un château de cartes et que beaucoup de Tunisien(ne)s regrettent déjà le bon vieux vieux temps de Ben Ali où l’ordre régnait, le pays était mieux tenu, plus respecté, et son image moins terne sur la scène internationale, et où surtout les citoyens mangeaient à leur faim et arrivaient tout de même à joindre les deux bouts ?
Il fut un temps où des archéologues ayant fouillé les tombes des anciens rois d’Egypte ont eu par la suite un destin tragique. On avait dit alors, à leur propos, qu’ils étaient victimes de la «malédiction des pharaons». Au rythme où la situation continue de se détériorer dans notre pays, il est à craindre qu’il arrivera un jour (s’il n’est déjà arrivé) où les Tunisiens parleront de la «malédiction de Ben Ali».
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