De grâce, monsieur Kaïs Saïed, cessez de nous aimer !

Qui aime bien châtie bien, dit le proverbe. Mais face aux difficultés que je rencontre quotidiennement pour manger, me délacer et me soigner, moi et les membres de ma famille, j’ai envie de demander au président Kaïs Saïed, qui aime beaucoup son peuple, de cesser d’appliquer ce proverbe à la lettre.

Par Mounir Chebil *

Etant paysan, un être terre à terre, je me suis souvent dit que si rien de concret n’est fait au niveau de l’économie, c’est qu’il ne doit pas y avoir de ministre de l’Economie «di tou». Seulement voilà, grâce à une émission radio, en ce début de semaine, j’ai appris, à ma grande surprise, que nous avons un ministre de l’Economie, qui plus est, chargé de la Planification. Il s’appelle Samir Saïed, et je me demande s’il a un lien de parenté avec le président de la république.  

J’ignorais cette information car cela fait longtemps que je n’ai pas entendu parler de grands projets de développement en cours de réalisation. Et à ma connaissance, il n’y a pas d’usines qui ont ouvert et recruté de la main d’œuvre. Ce ministre n’est jamais sorti dans un média grand public pour nous parler de projets de développement et de perspectives de croissance.

En réalité, depuis 2011, il n’y a que des usines qui mettent la clé sous la porte, des entreprises publiques en déficit, des exportateurs qui se plaignent de l’administration, du port de Radès, et du code de change devenu obsolète. Les industriels et les commerçants se plaignent, quant à eux, de l’économie parallèle. On parle de crise économique aiguë, dont je ne vois aucun début de sortie, mais des signes d’enlisement. Et le ministre restait désespérément silencieux. Mais voilà qu’il a parlé. A par les rêves qu’il a essayé de vendre, ce que j’ai retenu de son speech, c’est que les Tunisiens sont suspendus aux esses de la charcuterie gouvernementale. Sous les regards sévères du Big Boss, les ministres des deux sexes, munis d’un couteau chacun, s’appliquent à gratter ce qui reste de chair sur les os des citoyens.

Des réformes douloureuses

Marouane Abassi, le grand argentier national, dit que le Tunisien doit s’attendre à des mesures très douloureuses. Et notre ministre de l’Economie surenchérit en ajoutant que le gouvernement s’acharne à être transparent vis-à-vis du FMI, à trouver la meilleure formule pour supprimer la caisse de compensation car, selon lui, ce sont les riches qui en profitent le plus, ce que l’on sait depuis au moins une trentaine d’années. 

La dame qui fait bouillir des pâtes dans l’eau pour ses enfants doit dorénavant chercher quoi mettre à bouillir à la place des pâtes qu’elle aura désormais du mal à acheter, encore faut-il qu’elle trouve aussi gaz qui risque de devenir rare lui aussi. S’agissant du lait du bébé, il va falloir qu’elle soit très inventive pour le remplacer.

Samir Saïed a dit aussi qu’il va falloir développer le transport public comme solution à l’augmentation du prix du carburant. Or, ici il faut penser au renouvellement des parcs des véhicules de transport des passagers, aux infrastructures routières et ferroviaires, à l’augmentation du personnel, choses que ce gouvernement désargenté est incapable de faire. Tout ce qu’il peut faire, en revanche, c’est supprimer la subvention sur le prix du carburant et laisser les citoyens se débrouiller. 

Depuis une année que l’huile végétale, le sucre et le riz ne sont pas subventionnés parce que la Tunisie n’a tout simplement pas importé ces produits. Qu’a fait le gouvernement avec l’argent budgétisé et destiné à les subventionner ?

Les écoles sont restées délabrées et au jour d’aujourd’hui, des dizaines de milliers d’élèves n’ont pas fait leur rentrée scolaire faute d’instituteurs. Que dire des hôpitaux, des malades et du personnel de santé ? Ah oui, j’ai entendu dire que le gouvernement projette de construire une cité médicale à Kairouan, où on est-on de ce président présidentiel, et où en est-on de celui du TGV Bizerte – Ben Guerdane, lui aussi projet présidentiel ? 

Un amour qui tue

Quant aux prix des fruits et légumes, ils sont, dit-on, presque aussi chers qu’en France. Or, en France, le salaire minimum est dix fois plus élevé qu’en Tunisie. Logiquement, le salaire minimum chez nous doit être multiplié par au moins quatre. Ce que le gouvernement se gardera bien de faire, et ce n’est pas seulement parce que le FMI «itatti» (donne la fessée).

Monsieur Kaïs Saïed, vous avez dit un jour que vous aimez le peuple tunisien, si vous ne l’aimiez pas, quel sort lui auriez-vous réservé?

Face aux difficultés que je rencontre quotidiennement pour manger, me délacer et me soigner, moi et les membres de ma famille, j’ai envie, monsieur le président, de vous demander de nous épargner cet amour qui tue.

* Haut cadre à la retraite.

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