Il est regrettable que d’une élection à une autre, on continue, en Tunisie, de faire douter les citoyens de l’utilité même des élections et de l’intérêt qu’ils pourraient tirer d’un système démocratique qui s’est avéré plus corrompu encore que le système autocratique auquel ils avaient eu droit jusqu’à la révolution de 2011. (Illustration : l’ISIE déplore la dépréciation de la campagne électorale).
Par Imed Bahri
A en croire Maher Jedidi les photos et vidéos des candidats aux législatives du 17 décembre, qui ont suscité les moqueries des internautes ces derniers jours sur les réseaux sociaux, sont relayées par des membres de partis boycottant ces élections dans le but de véhiculer une image dépréciée de la campagne électorale, comme si certains candidats aux élections ne la rabaissent pas eux-mêmes suffisamment pour qu’on ressente le besoin d’en rajouter.
Le vice-président de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), qui intervenait ce lundi 5 décembre 2022, sur Shems FM, a perdu ainsi une nouvelle occasion de se taire, car son explication a quelque chose d’aussi pathétique et d’aussi ridicule que les photos et les vidéos de certains candidats aux législatives ayant suscité les moqueries sur les réseaux sociaux. Ces candidats, il est vrai, nous ont fait voir et entendre des choses carrément surréalistes et qu’on a eu peine à croire qu’elles aient pu être le fait de futurs députés.
Des candidats atypiques et farfelus
Sur un autre plan, qu’attend M. Jedidi des partis opposés au processus politique enclenché unilatéralement par le président de la république Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, sinon qu’ils continuent d’exprimer leur opposition par tous les moyens, et notamment en pointant les dérapages et les ratés de ce processus ? Et qu’attend-il, également, des candidats à la députation, atypiques et farfelus, qui ne semblent rien comprendre à la mission qui les attend et dont les candidatures ont été acceptées par la commission électorale, dans le seul but de faire du chiffre et de prouver que, malgré le boycottage de la majorité des partis et notamment des plus importants d’entre eux, les législatives trouvent un écho chez la population ?
En vérité, non seulement, la campagne électorale, qui entre aujourd’hui dans sa seconde semaine, est assez mal partie, mais elle ne semble pas non plus susciter l’intérêt des citoyens et provoque même chez certains d’entre eux les critiques les plus acerbes et les plus douloureuses moqueries : ceux dont on se moque aujourd’hui risquant d’être demain «nos» représentants au parlement.
Cela dit, et si nous nous sommes gardés dans ce journal de participer à ce simulacre d’élection, c’est pour ne pas apporter notre contribution à un scrutin pseudo-démocratique qui risque de dégénérer en un carnaval des vanités et de se solder par un très fort taux d’abstention.
Une démocratie corrompue et pervertie
C’est d’ailleurs ce que la plupart des organisations spécialisées dans la surveillance des élections prévoient, à juste titre, eu égard les conditions générales dans lesquelles les prochaines législatives se tiennent, avec des électeurs qui ont bien d’autres soucis que d’aller donner leurs voix à des opportunistes à la petite semaine qui ambitionnent de siéger sous la coupole du palais du Bardo, laquelle, il est vrai, avait déjà été dévoyée, corrompue et pervertie par leurs prédécesseurs lors des précédentes mandatures.
Il est tout de même regrettable que d’une consultation électorale à une autre, on continue, dans notre pays, de faire douter les citoyens de l’utilité même des élections et de l’intérêt qu’ils pourraient tirer d’un système démocratique plus corrompu encore que le système autocratique auquel ils avaient eu droit jusqu’à la révolution de 2011. Pour beaucoup d’entre eux, la démocratie est en effet devenue synonyme de médiocrité, d’instabilité et d’appauvrissement général. A qui la faute, sinon à tous qui, comme M. Jedidi et ses collègues, justifient l’injustifiable pour préserver leur position ? Et comme ces candidats tombés du ciel qui croient pouvoir berner les électeurs avec des engagements plus extravagants les uns que les autres…
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