L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) semble vouloir tirer les marrons du feu pour éviter une confrontation avec le pouvoir exécutif, confrontation dont l’issue pourrait être périlleuse pour une Tunisie en pleine crise.
Par Imed Bahri
A l’issue de sa réunion tenue en urgence vendredi 3 février 2023, la Commission administrative nationale de l’organisation syndicale a certes décidé de mener une série de mouvements nationaux, sectoriels et régionaux, dont les formes seront déterminées ultérieurement, pour faire face aux tentatives de porter atteinte à la centrale syndicale et à ses activités.
Elle a certes aussi réitéré, dans une déclaration finale, son refus de toute atteinte au droit de grève par la publication de circulaires interdisant le droit de la négociation. Et appelé à libération du secrétaire général du syndicat de base de Tunisie Autoroutes, Anis Kaabi, arrêté il y a deux jours à la suite de deux plaintes déposées à son encontre par la société qui l’emploie.
Eviter la confrontation
Mais l’UGTT a aussi mis en garde ses troupes contre l’organisation d’une grève dans le secteur public et la fonction publique – arme de dernier recours – pour demander au gouvernement de mettre en œuvre les accords conclus. Ce qui peut être considéré comme une tentative pour désamorcer la crise et éviter qu’elle dégénère en affrontement entre la classe ouvrière et le pouvoir exécutif, incarné par le président de la république Kaïs Saïed, au moment où ce dernier montre des signes d’une forte crispation après l’échec des dernières législatives, sanctionnées par un taux de participation historiquement faible (11,4%), dans un contexte de grave crise économique et financière, de montée de la grogne sociale et de multiplication des appels de l’opposition à la démission du chef de l’Etat.
Signe de cette volonté de décrispation, la Commission administrative de l’UGTT a tenu également à souligner, dans la même déclaration, son attachement au dialogue, considéré comme le seul moyen de sortir de la crise actuelle, tout en se disant déterminée à faire des propositions et à apporter des solutions pour sortir le pays de la crise.
La Tunisie est confrontée à des défis à différents niveaux économiques, sociaux et politiques, a encore déclaré la centrale syndicale, affirmant la nécessité de surmonter cette crise et d’établir une justice sociale loin des tentatives de retour au totalitarisme.
Le service minimum
Au final, le ton apaisé de ce communiqué tranche avec celui, agressif, utilisé par le secrétaire général de la centrale, Noureddine Taboubi, qui, à l’ouverture de la réunion, avait déclaré que le président Saïed cherche à intimider l’UGTT et incite indirectement le peuple à l’hostilité et à la guerre.
Le chef de l’État cherche, par ses visites répétées aux casernes et au siège du ministère de l’Intérieur, à persuader l’opinion publique qu’il a le plein soutien des forces armées, dont la mission est plutôt de protéger la Tunisie contre les intrusions et les ingérences étrangères, avait déclaré Taboubi.
En réaction aux remarques du président dans lesquelles ce dernier affirmait que le pays menait une «bataille de libération nationale», Taboubi avait répliqué : «Cette bataille a été menée par nos pères, nos ancêtres et notre armée contre les forces d’occupation. Nous ne savons pas de qui le président veut libérer aujourd’hui le pays.»
Le président «a pris le mauvais chemin; il aurait dû faire preuve de sagesse en cherchant à unir le peuple après l’échec des deux tours des élections législatives», avait aussi ajouté le SG de l’UGTT, qui, après avoir opté un moment pour l’affrontement, semble s’être ravisé pour tenter de calmer le jeu et de se contenter, momentanément, du service minimum : une série de mouvements nationaux, sectoriels et régionaux. On aurait pu craindre le pire !
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