Etude sur l’impact de la guerre russo-ukrainienne sur la Tunisie

La Tunisie fait partie des pays qui paient le prix fort de la guerre russo-ukrainienne qui se déroule à environ 2 528 km (à vol d’oiseau) de la capitale Tunis. L’impact de cette guerre sur le pays est estimé à une baisse du taux de croissance de -2,5% et -2,2%, respectivement en 2022 et 2023, par rapport à une situation d’avant-guerre.

C’est ce qu’indique une étude réalisée par Onu-Habitat et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (Uneca).

Cette étude sur l’impact de cette guerre sur le pays a fait l’objet d’un atelier organisé jeudi 4 mai 2023 à Tunis par le bureau Onu-Habitat Maghreb et le bureau régional Afrique du Nord de la CEA (Uneca) en partenariat avec le bureau du coordonnateur résident des Nations Unies en Tunisie, sur le thème «Détecter les effets de la guerre russo-ukrainienne : Comment anticiper et se préparer aux retombées de la guerre russo-ukrainienne sur la sécurité alimentaire en Tunisie?»

«La Tunisie a importé en moyenne sur la période 2018-2021, 93% de sa consommation de blé tendre, 67% d’orge et 40% de blé dur. Plus de la moitié de ses importations de céréales dépendent de la Russie et de l’Ukraine pour ses importations en dollars, subit ainsi un double choc, celui de la guerre et celui de la dépréciation de sa monnaie», a souligné l’économiste Mohamed Haddar, auteur de cette étude.

Selon lui, «la flambée des prix des céréales, des engrais et de l’énergie suite à la guerre en Ukraine a provoqué, par exemple, une explosion des dépenses de subventions, une augmentation du déficit budgétaire et une réduction conséquente de l’espace budgétaire, une réduction des les budgets consacrés à l’éducation, à la santé, à l’investissement, etc., des difficultés d’approvisionnement, des pénuries (pain, farine, semoule, sucre, riz, produits agricoles, etc.), une dépréciation de la monnaie nationale et une aggravation de l’inflation…»

En ce qui concerne l’impact sur les ménages, Haddar a déclaré : «Notre simulation indique que la guerre en Ukraine affecte les hommes et les femmes de la même manière. Les vainqueurs de la guerre sont principalement les propriétaires de petites entreprises dans l’industrie, qui verraient leur bien-être augmenter d’environ 16% en 2022 et de plus de 18% en 2023, ainsi que les cadres supérieurs, qui verraient leur bien-être s’améliorer d’environ 0,6% en 2022 et 0,4% en 2023.»

Cependant, Haddar a noté que «la liste des perdants est beaucoup plus longue. Par exemple, les travailleurs agricoles seraient gravement touchés. Leur perte de bien-être serait de plus de 13% en 2022 et de plus de 16% en 2023. Les cadres intermédiaires subiraient une baisse de 4% Les chômeurs perdraient 3 à 4% de leur bien-être, les retraités près de 2%, les agriculteurs environ 2% en 2022 et 4% en 2023. Les autres inactifs perdraient environ 0,3% de leur bien-être (900 000 travailleurs occupent des emplois informels en 2020).»

Mesures d’atténuation

L’auteur de l’étude estime que pour atténuer les impacts de la guerre sur la croissance, le budget et les ménages, l’Etat doit agir sur quatre axes principaux.

Le premier axe consiste à maîtriser l’inflation à travers, par exemple, l’amélioration du climat des affaires (suppression des autorisations, transparence fiscale, etc.) pour relancer la croissance économique, la relance des exportations afin de réduire substantiellement le déficit de la balance commerciale et l’indexation des salaires sur la productivité.

Le deuxième axe consiste en l’élaboration et la mise en œuvre d’une nouvelle politique céréalière participative dans une approche de sécurité alimentaire, de productivité et de résilience. A cet égard, il sera nécessaire de revoir la gouvernance de la filière céréalière dans une approche participative; soutenir les producteurs agricoles; réhabiliter la petite ferme céréalière compte tenu de son rôle économique, social et environnemental; réduire la dépendance du pays au blé tendre de 93% à 40% d’ici 2030; réviser les mécanismes de fixation des prix des céréales et autres produits alimentaires et développer la recherche et l’innovation.

Le troisième axe est la garantie d’une sécurité énergétique maîtrisée. Il importe donc de réduire le taux de dépendance énergétique du pays à 35% en 2035, en maîtrisant la demande dans tous les secteurs d’activité (industrie, transport, construction), par une suppression progressive des subventions énergétiques, en valorisant toutes les ressources naturelles du pays (fossiles, renouvelables, conventionnels et non conventionnels) et en encourageant d’importants investissements privés.

Il est également impératif en ce sens d’appliquer les principes de bonne gouvernance des établissements et des entreprises publiques, d’assurer la protection des infrastructures vitales contre les risques de dégradation conduisant à des arrêts longs et fréquents, de constituer un stock stratégique et de sécurité, d’anticiper les évolutions et mutations dans la région et dans le monde et pour stimuler les investissements étrangers.

Le quatrième axe est la révision du système de subventions. Il s’agirait de mettre en place des programmes pour aider les entreprises et les ménages à investir dans l’efficacité énergétique et l’autoproduction d’énergies renouvelables et réduire l’impact de la réforme sur les populations pauvres et vulnérables (tarifs stables de l’électricité et du gaz réservés à ces populations, etc.)

D’après Tap.   

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