Comment expliquer la forte popularité dont continue de bénéficier Kaïs Saïed, trois ans et demi après son accession à la magistrature suprême, et ce, malgré son très faible bilan sur tous les plans ?
Par Imed Bahri
Le président de la république reste à la tête des intentions de vote pour la présidentielle avec 68,7%, indique un sondage réalisé par Emrhod Consulting pour Carthage + et Businessnews, dont les résultats ont été publiés mercredi 14 juin 2023.
La présidente du Parti destourien libre (PDL) Abir Moussi arrive en deuxième position, mais très loin, avec 8% et le journaliste Safi Saïd la talonne avec 7,6%.
Le président de Afek Tounes et ancien ministre des Finances, Fadhel Abdelkefi, arrive quatrième avec 4,8% et l’ancien président Moncef Marzouki cinquième avec 4,1%.
L’ancien président de l’Assemblée et leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, en prison depuis plusieurs semaines, arrive en sixième place avec un maigre score de 1,6% des intentions de vote, suivi du président de l’Union populaire républicaine (UPR), Lotfi Mraihi (1,4%) et l’ancien ministre de la Réforme administrative Mohamed Abbou (1,1%).
Kaïs Saïed marche sur l’eau
Bien qu’en baisse par rapport à l’année dernière, le taux de Tunisiens satisfaits du travail de Saïed s’élève à 56%, un chiffre qui est tout de même en amélioration par rapport aux 52% de février dernier.
Par ailleurs, 67% des personnes interrogées sont optimistes quant à l’avenir du pays, même si pour 81% d’entre elles l’économie va mal. Cependant, pour 36% des personnes interrogées, la liberté de la presse est menacée.
Le même sondage montre cependant que 2,7% des personnes interrogées vont voter pour d’autres personnalités et que 34% sont encore indécis.
Ce sondage a été réalisé entre le 6 et le 9 juin 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 1176 personnes âgées de plus de 18 ans issus des 24 gouvernorats.
Comment expliquer la forte popularité dont bénéficie le président de la république malgré son très maigre bilan sur tous les plans ? On retiendra, pour notre part, deux principales raisons. D’abord, la perte de crédibilité de la plupart des personnalités ayant été mêlées au pouvoir au cours des dix dernières années et même celles qui étaient seulement très actives sur la scène politique et médiatique.
On nous rétorquera que c’est aussi le cas de Kaïs Saïed, et cela est juste, mais ce dernier parvient, grâce à ses déclarations populistes, hostiles aux partis, aux lobbys politiques, aux groupes d’intérêt, aux corrompus et aux agents de l’étranger, à s’attacher la sympathie du plus grand nombre, sans devoir se prévaloir du moindre résultat tangible.
Il continue donc de profiter de l’impopularité de ses adversaires, mais jusqu’à quand pourra-t-il surfer sur la crise asphyxiante que traverse le pays et de marcher sur l’eau, sans se mouiller ? That is the question…
La Tunisie vote toujours à droite
Enfin, le fait que les trois premiers classés dans les intentions de vote soient tous, malgré leurs divergences idéologiques et politiques, des populistes notoires est un indicateur fort des tendances de l’électorat tunisien et de sa disposition à avaler des couleuvres et à courir derrière des chimères.
On remarquera, par ailleurs, que les trois concernés (Kaïs Saïed, Abir Moussi et Safi Saïd) ont des positions très conservatrices sur les grandes questions de société, comme l’égalité dans l’héritage, et qu’en cela ils ressemblent beaucoup à la majorité de leurs compatriotes. De là à penser que la Tunisie sera toujours gouvernée à droite, il y a un pas que l’on est tenté de faire.
Ce tropisme conservateur explique d’ailleurs le faible score de la gauche dans la plupart des élections organisées en Tunisie depuis 2011. Ainsi que l’impopularité de l’élite intellectuelle du pays en qui les citoyens lambdas ont du mal à s’identifier. A méditer…
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