Après que le président Kaïs Saïed en a solennellement parlé, en sermonnant les Pdg de la Sonede et de la Steg, censés en assumer la responsabilité, peut-on s’attendre à la fin des coupures d’eau et d’électricité constatées ces derniers temps dans certaines régions de la Tunisie ? On peut toujours l’espérer, mais le doute aussi est permis, et voici les raisons.
Par Ridha Kéfi
On n’aurait pas aimé être à la place de Mosbah Helali et Hichem Anane, les Pdg respectifs de la Sonede et de la Steg, qui se sont fait sermonner hier, mardi 11 juillet, au Palais de Carthage, par le président de la république Kaïs Saïed.
Accusés publiquement, quoiqu’à demi-mot, de laxisme et de mauvaise gestion, les deux responsables n’ont même pas eu la possibilité de se défendre. D’ailleurs, ils n’ont pas jugé utile de s’expliquer en tenant une conférence de presse à l’issue de la rencontre. En cela, on ne peut leur reprocher d’être aussi muets que les ministres dont ils dépendent et qui sont, respectivement, celui de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, et son collègue de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, laquelle a d’ailleurs été limogée il y a quelques semaines pour avoir «trop parlé», sans être remplacée. On aurait bien voulu entendre leurs avis eux aussi sur les problèmes posés par le chef de l’Etat, n’est-ce pas ?
Des dysfonctionnements structurels
Pour revenir à la rencontre d’hier, Kaïs Saïed a demandé aux deux responsables de «mettre fin dans les plus brefs délais aux coupures régulières d’eau et d’électricité dans plusieurs régions de la république», ajoutant que «le phénomène des coupures ne saurait être justifié par les opérations routinières d’entretien, opérations qui auraient dû être menées avant l’avènement de la saison estivale».
«Les coupures régulières se poursuivent dans des régions déterminées et pas dans d’autres et se poursuivent pendant des jours voire des semaines», a insisté le président de la république, selon le communiqué publié par la présidence de la république, en faisant remarquer que «ces coupures interviennent concomitamment avec les pénuries de plusieurs produits de première nécessité comme le pain, le sucre ou les médicaments». Suivez mon regard !
Difficile de ne pas voir dans ce lien qu’établit le président de la république entre les coupures d’eau et d’électricité et les pénuries des produits de première nécessité une accusation portée contre les deux responsables ou contre leurs collaborateurs dans les deux entreprises publiques dont ils ont la charge de chercher à porter atteinte au confort quotidien des citoyens et à susciter ainsi leur colère contre le pouvoir en place, incarné par Saïed.
Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat rappelle à l’ordre un haut responsable de l’Etat. Des ministres en avaient déjà fait l’expérience à leur corps défendant, et à chaque fois, les hauts responsables sermonnés se sont contentés d’encaisser les reproches et les griefs et d’endosser la responsabilité de ce qui ne marche pas, sans chercher à se justifier ni même à expliquer les causes réelles des carences et des manquements qui leur sont reprochés et qui, souvent, ne dépendent nullement de leur volonté. Parfois, ils accusent le coup, laissent passer la tempête et expliquent ensuite, eux-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs collaborateurs, les causes réelles desdits carences et manquements, lesquelles sont objectives, découlent de problèmes structurels, de dysfonctionnements chroniques ou de difficultés financières empêchant la mise en route des travaux de réparation ou d’entretien des infrastructures vétustes, comme celle de la distribution de l’eau et de l’électricité, dont certaines ont entre 30 et 40 ans d’âge, ou le report de ces travaux aux calendes grecques.
En attendant la prochaine tempête
Il reste bien sûr à se demander si la parole présidentielle va porter rapidement ses fruits et se traduire aussitôt par la fin des coupures d’eau et d’électricité. Et là, qu’on nous permettre d’émettre quelque doute. Car MM Helali et Anane, dont la compétence et la bonne volonté sont indiscutables, n’ont pas de baguette magique; et quand bien même, ils mobiliseraient illico presto les moyens humains et techniques dont ils disposent, ils ne parviendront pas à mettre fin aux coupures en question, car celles-ci sont dues parfois à des causes échappant à leur volonté.
En fait, nous savons tous que le président de la république a déclaré la guerre à la corruption, à la spéculation et à la hausse des prix, mais ses paroles ont-elles été suivies d’effet ?
Malheureusement non, et nous constatons qu’aucun de ces phénomènes n’a régressé et que la situation s’est beaucoup détériorée sur tous les fronts de cette… guerre. Et ce n’est pas par manque de volonté de la part du président ou de ses collaborateurs, mais par manque de visions, de méthodes et de solutions réalistes, concrètes et réalisables à court terme.
C’est, d’ailleurs, parce qu’ils sont incapables de trouver des solutions immédiates aux problèmes concrets des Tunisiens que ces chers ministres, à commercer par le premier d’entre eux, ne cessent de nous endormir par des plans, des stratégies, des révisions de lois et autres révolutions réglementaires. Bref, ils broient du vent… en ayant l’œil sur leur plan de carrière. Ils baissent la tête, en attendant la prochaine tempête.
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