L’argent des migrants subsahariens en Tunisie : une manne tombée du ciel ?

Le montant des transferts de fonds reçus par les migrants africains subsahariens en Tunisie a atteint 3 milliards de dinars au cours des 6 premiers moins de l’année, un montant supérieur aux revenus de l’industrie du tourisme au cours de la même période et qui s’élevaient à 2,2 milliards de dinars. Faut-il s’en inquiéter ou s’en féliciter ? (Illustration: migrants subsahariens à Sfax. Ph. Salah Dargouth).

Par Imed Bahri (avec agences)

Les migrants africains subsahariens sans papiers en Tunisie ont reçu 3 milliards de dinars (environ 1 milliard de dollars) de fonds de leurs pays respectifs au cours du premier semestre 2023, a indiqué un membre du Conseil de sécurité nationale lors d’une réunion vendredi soir, 14 juillet 2023, au Palais de Carthage.

Le président de la république Kaïs Saïed, qui présidait la réunion, a déclaré : «Ce chiffre est choquant et indique que la Tunisie est prise pour cible», sacrifiant ainsi à la théorie du complot qui lui sert souvent à expliquer tous les problèmes du pays.

En effet, ce chiffre peut paraître très élevé et il l’est sans doute à première vue, mais il a bien été prononcé par le responsable en question. A moins que ce dernier ne se soit mélangé les pinceaux. Auquel cas, on attend une confirmation des données présentées par une source du ministère des Finances.

Saïed avait souvent dénoncé cette année l’immigration d’Africains subsahariens sans papiers, en transit ou installés en Tunisie, affirmant dans des commentaires critiqués par des groupes de défense des droits qu’elle visait à changer la composition démographique de la Tunisie.

Ce n’est pas pour déplaire à la BCT

«Le montant des transferts annoncés pour les sans-papiers est supérieur aux revenus de l’industrie du tourisme, vitale en Tunisie, au cours du premier semestre de l’année, qui s’élevaient à 2,2 milliards de dinars», a rappelé à juste titre Reuters.

Les 3 milliards de dinars reçus par les migrants africains subsahariens sans papiers en Tunisie à la fin juin dernier sont à comparer avec les 4 milliards de dinars envoyés par les Tunisiens expatriés au cours de la même période.

Ces transferts de devises ont sans doute fait le bonheur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), qui garde un œil vigilant et moyennement inquiet sur les réserves en devises du pays estimées actuellement à l’équivalent de 97 jours d’importations, alors que le pays peine à mobiliser des fonds extérieurs pour payer sa dette et boucler son budget pour l’exercice en cours.

Une façon de dire que ce qui est présenté par les autorités comme la preuve d’un complot international tramé contre le pays est en réalité, et à bien regarder les choses, une manne financière tombée du ciel.

Qui exploite qui ?

Des milliers de migrants sans papiers ont afflué ces derniers mois vers la ville côtière de Sfax dans le but de partir pour l’Europe dans des bateaux exploités par des trafiquants d’êtres humains, entraînant une crise migratoire sans précédent pour la Tunisie.

La Tunisie a évacué des centaines de migrants ce mois-ci vers une zone désolée le long de la frontière, après des jours de violence à Sfax entre résidents et migrants.

Sous la pression de groupes de défense des droits, internationaux et locaux, qui accusaient les autorités de mettre la vie des migrants en danger, le gouvernement les a déplacés cette semaine dans des centres d’accueils dans deux villes du sud tunisien et a dépêché les bénévoles du Croissant rouge tunisien (CRT) pour leur apporter des secours, notamment des soins pour les femmes enceintes, les enfants et les blessés.

Pour ce qui est des montants reçus par les migrants, et qui ont été envoyés de leurs pays d’origine, ils ont été transférés au tiers via la Poste Tunisienne, et aux deux-tiers via les banques locales. «Nous connaissons les noms des expéditeurs et des destinataires», a tenu à préciser Saïed, sur un ton menaçant.

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