La situation actuelle d’effritement et de paralysie des instances nationales et régionales du mouvement Ennahdha ne lui permettront pas de tenir son 11e congrès fin octobre prochain, comme annoncé. Il y a encore trop d’incertitudes, d’impondérables et de manœuvres contradictoires, alimentées par des parties souhaitant mettre la main sur cette vieille machine, pour que les choses se passent sans encombre. Dans ce contexte, notre collègue Chahrazed Akacha vient de faire exploser une bombe.
Par Imed Bahri
Dans un post Facebook publié dimanche 3 septembre 2023, notre collègue Chahrazed Akacha, poursuivie en justice et réfugiée à l’étranger, accuse l’actuel président par intérim du mouvement Ennahdha, Mondher Ounissi, d’être un sous-marin au service de ce qu’elle appelle le «régime putschiste», par allusion au président de la république Kaïs Saïed.
«Contrairement à ce que pensent beaucoup, le régime putschiste n’existe pas seulement au sein du gouvernement et du pouvoir, il est profondément infiltré dans l’opposition et en son cœur même, comme cela fut le cas avant 2011 et comme on veut le pérenniser», écrit-elle, en affirmant avoir réussi à «démanteler un réseau ayant infiltré le mouvement Ennahdha et manipulé sa volonté et sa décision pour les mettre au service du régime».
Un sous-marin ?
A la tête de ce réseau, accuse-t-elle, se trouve Mondher Ounissi qui, au lendemain de la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021, était parmi les Nadhdhaouis qui poussaient le plus fortement, mais en catimini, à la confrontation avec Kaïs Saïed, tout en se montrant, en public, conciliant, rationnel et responsable, explique Chahrazed Akacha, qui va plus loin en affirmant que ce dernier «était prêt à conduire les gens pour aller protester devant le parlement, non parce qu’il est plus courageux que les autres, mais parce qu’il avait eu les assurances du pouvoir qu’il ne sera pas inquiété et qu’il sera son homme (au sein d’Ennahdha, Ndlr) au cours de la prochaine période».
Chahrazed Akacha poursuit son pamphlet en affirmant que «le régime a vidé totalement la scène au profit de Mondher Ounissi qui est devenu la seule personnalité en Tunisie capable de faire la politique dans risquer de comparaître devant des juges. Alors que des jeunes qui likent des postes sur Facebook sont arrêtés, Mondher Ounissi se promène d’une radio à une autre et fait entendre sa voix sans que personne ne l‘inquiète».
A l’appui de son accusation, notre consœur fait remarquer qu’avant l’arrestation du président du mouvement Rached Ghannouchi, celui qui assure son intérim au sein d’Ennahdha était l’un des plus fervents partisans de l’escalade avec le régime, mais après l’incarcération de ce dernier, il s’est transformé en un fervent partisan de la réconciliation et du dialogue avec le pouvoir.
«L’homme ne se soucie guère de la libération des prisonniers (politiques, Ndlr) ni du changement de la scène politique dans le pays. Depuis quatre mois, il ne pense qu’à s’accaparer davantage de prérogatives au sein du bureau exécutif et du Conseil de la Choura du mouvement Ennahdha», affirme encore Chahrazed Akacha, qui conclut : «En résumé, Mondher Ounissi est un nouveau projet de putsch dans le paysage politique tunisien, comme celui qui eût déjà lieu au sein de l’Union des agriculteurs (lorsque Noureddine Ben Ayed a renversé son prédécesseur, Abdelmajid Ezzar, Ndlr). La mise de Abdelkarim Harouni en résidence surveillée n’est qu’un nouvel épisode dans ce complot dans le cadre de la liquidation de tous ceux ne se soumettent pas aux ordres de l’infiltré».
Des manœuvres contradictoires
Sans donner foi aux affirmations de Chahrazed Akacha, qui méritent d’être mises à l’épreuve des évolutions en cours au sein d’Ennahdha, et en attendant que Mondher Ounissi réagisse aux accusations portées ici contre lui, il est clair que la crise larvée au sein du parti islamiste tunisien est appelée à s’approfondir et à s’aggraver, alors qu’un grand nombre de ses dirigeants sont aujourd’hui en prison et poursuivis dans diverses affaires?
Il n’est pas sûr non plus que, dans la situation actuelle d’effritement et de paralysie de ses instances nationales et régionales, Ennahdha pourra tenir son 11e congrès fin octobre prochain. Il y a encore trop d’incertitudes, d’impondérables et de manœuvres contradictoires, alimentées par des parties souhaitant mettre la main sur cette vieille machine, pour que les choses se passent sans encombre.
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