Dans cette «Lettre ouverte à Monsieur Antonio Tajani, Ministre des Affaires étrangères de la République Italienne», l’auteur reproche au responsable italien des propos choquants sur les immigrés qualifiés de «barbares». (Illustration : Histoire des migrations mondiales).
Par Khemais Gharbi *
Monsieur le Ministre, Excellence,
Votre déclaration, avant-hier, invitant à «regarder l’histoire des invasions barbares» pour évoquer la question de la pression migratoire en provenance d’Afrique vers l’Europe est choquante.
En ces temps modernes, où la compréhension mutuelle, la coopération internationale et le respect des droits de l’homme sont des valeurs fondamentales, de telles analogies historiques suscitent légitimement des préoccupations.
Nous vivons dans une époque où la diversité culturelle et les échanges entre nations peuvent être une source d’enrichissement et de progrès. En tant que ministre, il est crucial de promouvoir des discours qui favorisent l’unité et le respect, et de rappeler que le passé ne doit pas obscurcir notre vision d’un avenir meilleur.
Il est essentiel de se rappeler que l’histoire de l’émigration italienne est elle-même un exemple de la mobilité humaine à grande échelle.
L’exemple de la migration italienne
Depuis le milieu du XIXe siècle, des millions d’Italiens ont quitté leur pays en quête de meilleures opportunités de vie. Ces émigrants ont contribué de manière significative à de nombreuses sociétés à travers le monde, et cela montre que la migration n’est pas l’apanage d’un seul pays ou d’un seul continent. Elle est au contraire partagée par la plupart des pays et elle demeure une force positive à travers l’histoire pour la diversité culturelle et l’économie mondiale.
Mais permettez-moi également de mentionner l’exemple polonais après la Première Guerre mondiale. À cette époque, la Pologne était récemment redevenue un pays indépendant après des siècles de domination étrangère. Les Polonais eux-mêmes étaient confrontés à des déplacements massifs de population et à des défis économiques considérables. Pourtant, ils ont accueilli des immigrants, dont beaucoup étaient des Ukrainiens et des Juifs fuyant les troubles dans leurs régions d’origine. Cette ouverture à la diversité culturelle a renforcé la Pologne en tant que nation.
Cela nous rappelle que la migration est un phénomène complexe, mais elle peut être gérée de manière à enrichir nos sociétés et à renforcer nos liens humains. Au lieu de dresser des parallèles avec des invasions barbares du passé, nous pourrions envisager des approches plus inclusives pour gérer les mouvements de populations actuels.
En travaillant ensemble pour résoudre les défis liés à la migration de manière pacifique et humanitaire, nous pouvons bâtir un monde où nous comprenons que notre destin est commun en tant qu’êtres humains.
En fin de compte, il est dans notre intérêt collectif de promouvoir la tolérance, la coopération et la solidarité pour construire un avenir meilleur pour tous, où les migrations sont vues comme une opportunité plutôt que comme une menace.
Excellence,
L’histoire nous rappelle que chaque peuple a été à un moment ou à un autre de son histoire ou sera exposé un jour à devenir «le barbare» aux yeux d’un autre. Aucun n’est assuré de la quiétude éternelle. Ainsi, en tant que ministre, vos paroles, excellence, portent un poids considérable et votre rôle consiste à promouvoir la compréhension, la tolérance et la coopération au niveau international.
Loin de dresser des murs, nous devrions chercher à construire des ponts entre les cultures et les nations. En abordant les défis de la migration avec humanité et en favorisant la paix, nous œuvrons ensemble à un monde plus inclusif et harmonieux pour tous les habitants de cette planète que nous partageons.
* Enseignant supérieur à la retraite, Bruxelles.
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