Le maintien de Hichem Anane à la tête de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) s’est prolongé au-delà de qu’il espérait lui-même. On le disait sur le départ depuis assez longtemps, en raison de la multiplication des coupures d’électricité dont se plaignent sans cesse les citoyens. Le couperet présidentiel est finalement tombé hier, alimentant l’interminable feuilleton des limogeages qui semble amuser une partie de la population, laquelle s’en régale sur les réseaux sociaux. La chasse à courre est ouverte. Les chiens sont affamés. Au suivant !
Par Ridha Kefi
Le président de la république, Kaïs Saïed, a en effet décidé, vendredi 22 septembre 2023, de mettre fin aux fonctions du PDG de la Steg, entreprise que l’on sait en grande difficulté financière, comme l’écrasante majorité des établissements publics, et de nommer Fayçal Trifa pour lui succéder.
M. Anane a eu droit à un «sursis» de quarante-huit heures après la panne générale d’électricité enregistrée dans la nuit du mercredi 20 septembre dans toutes les régions du pays. Les explications qu’il a données de cette panne, dans un entretien avec l’agence officielle Tap, c’est-à-dire une vague histoire d’humidité ayant atteint 90°, ne semble pas avoir convaincu le président de la république. Lequel trouve plus facile de limoger les responsables jugés incompétents, insuffisants ou défaillants que de mettre en route des réformes structurelles profondes.
La porte de sortie toujours proche
Ces derniers, pour compétents qu’ils puissent être, n’ont souvent pas les moyens, financiers et humains, pour honorer leurs missions, mais comme ils sacrifient tous à l’omerta ambiante et se plaignent rarement publiquement du peu de moyens que l’on met à leur disposition, au risque de se voir démis illico presto de leurs fonctions, ils finissent tous par être éjectés un jour ou l’autre, sans aucun ménagement, et porter ainsi la responsabilité de tout ce qui ne marche pas dans le secteur dont ils avaient la charge.
Il faut dire que la panne électrique générale d’il y a deux jours semble avoir donné des sueurs froides aux autorités, au point d’obliger le ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, de mouiller la chemise en se rendant à la centrale électrique de Radès et en rendant public un communiqué assurant la population que la situation sécuritaire est sous contrôle. Alors que de nombreux partisans du président de la république, aussi suspicieux et complotistes que lui, sinon davantage, ont donné libre cours à leurs accusations habituelles de complot contre le «projet du président» fomenté par une administration réfractaire pullulant de traitres et de félons.
Dans cette ambiance délétère, où la confiance n’a plus de place dans les cœurs et les esprits, et où la crise touchant pratiquement tous les secteurs vitaux commence à mettre les nerfs à vif, allez chercher quelque raison dans les réactions, les déclarations et les décisions des uns et des autres !
L’hécatombe se poursuit
Aussi, et en l’absence de vision, d’horizon et de perspective de reprise économique, le pays continuant à s’enfoncer dans la gabegie et l’incertitude, on peut sérieusement craindre la poursuite de l’hécatombe des limogeages au sein d’une administration publique aux abois, en apnée depuis plusieurs mois, et qui ne sait plus à quel saint se vouer. Le principal objectif de chaque haut responsable n’étant plus de trouver des solutions aux problèmes concrets de la population, dont il n’a d’ailleurs pas les moyens, mais de «sauver sa peau» et de durer le plus longtemps possible à son poste, en attendant des jours meilleurs. Ou peut-être un providentiel poste à l’étranger, plus sûr et mieux rémunéré.
Dans cette chronique des limogeages, le ministère de la Santé a annoncé, hier, la nomination de Mehdi Dridi au poste de PDG de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), en remplacement de Béchir Irmani, limogé depuis neuf mois et auquel on avait fait porter le chapeau des pénuries de médicaments vitaux, laquelle pénurie s’est poursuivies depuis et se poursuivra sans nul doute avec son «malheureux» successeur qui hérite de la patate chaude.
Il faut dire que les promotions dans cette nouvelle république n’ont plus le goût délicieux qu’ils avaient auparavant. Et pour cause : responsabilité est devenue synonyme de culpabilité… malheur à celui ou à celle qui s’y colle ! Demandez aux Premiers ministres*, ministres, secrétaires d’Etat, chefs de cabinet, PDG et autres directeurs généraux, qui aussitôt leurs fonctions terminées, se sont trouvés à répondre aux questions des juges, et ils vous le diront…
* Plusieurs anciens chefs de gouvernement ont fait ou font l’objet de poursuites judiciaires en Tunisie : Ahmed Ben Salah et Mohamed Mzali, sous Bourguiba, et après 2011, Hamadi Jebali, Ali Larayedh et Youssef Chahed. Le quatrième, Elyes Fakhfakh, accusé de conflit d’intérêt, a été innocenté après avoir été traîné dans la boue.
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