Depuis le déclenchement de la guerre entre Gaza et Israël, beaucoup de choses sont dites et écrites afin d’entretenir la confusion nécessaire à la réalisation d’objectifs stratégiques, pas toujours très clairs, dont il convient d’esquisser néanmoins les contours, aussi flous soient-ils.
Par Dr Mounir Hanablia *
La première chose à dire est qu’en envoyant sur place deux porte-avions américains, l’administration de Joe Biden s’est engagée clairement aux côtés du gouvernement israélien. Elle se situe ainsi en droite ligne de la politique de l’administration précédente de Donald Trump, celle des accords dits d’Abraham.
Concernant la politique américaine au Proche-Orient, les administrations ont beau se succéder, elle ne change pas. Et même en tant que garante des accords de Camp David de 1979, l’Amérique, en appuyant militairement Israël à un moment aussi crucial, ne fait en réalité que respecter ses engagements.
La seconde est que le Hamas n’est né à partir des années 80 que de la volonté de diviser le mouvement national palestinien et de l’affaiblir. En faisant de Gaza un fief islamiste, Israël a réussi au-delà de toute espérance. Elle s’est déchargée du fardeau militaire et financier de l’occupation de ce territoire surpeuplé et exigu, pour se concentrer sur la rive occidentale du Jourdain, afin d’y mener une politique coloniale agressive d’expropriation des terres et de création de colonies juives sur une grande échelle, face à une Autorité palestinienne faible, tolérée uniquement pour donner le change dans la perspective d’un accord un jour possible avec les Etats arabes.
Mais dès lors que les pays arabes, ou certains parmi eux, ont accepté de signer la paix sans contrepartie sur le dossier palestinien, il est devenu clair qu’une quelconque souveraineté palestinienne n’était plus ni utile ni nécessaire à l’Etat israélien, particulièrement avec l’accession au pouvoir des partis israéliens racistes et anti-arabes dont la politique est l’expulsion par tous les moyens de tous les Arabes palestiniens d’Israël et l’instauration d’un Etat juif ethniquement pur.
Entretenir la fiction d’une menace proche et immédiate
Néanmoins pendant ce temps à Gaza, malgré un embargo sévère auquel il est soumis, le Hamas a pu probablement avec l’appui de l’Iran et du Hezbollah développer une force militaire suffisamment élaborée pour menacer régulièrement les colonies de peuplement israéliennes, malgré les moyens sophistiqués mis en œuvre par leur gouvernement pour les en protéger.
Il ne faut pas oublier non plus que mis à part sa fonction de camp de concentration, Gaza obéissait jusque-là aussi aux yeux du sionisme à une autre nécessité: entretenir la fiction d’une menace proche et immédiate, suscitant la peur et l’hostilité de la population juive grâce auxquelles les partis politiques colonialistes ont pu accéder au pouvoir, obtenir l’appui de l’opinion publique internationale et des juifs américains, justifier tous les cinq ans une guerre mise à profit pour tester le nouveau matériel de guerre américain en situation réelle de combat.
Mais dans la nouvelle conjoncture internationale, et avec la perspective récemment annoncée par Netanyahu, d’un corridor économique du Moyen-Orient englobant l’Inde, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, Israël, et s’étendant jusqu’à l’Union européenne à travers la Méditerranée et les Balkans, Gaza ne pèse plus d’un grand poids, et même peut constituer un impondérable dont il convient de se débarrasser, au plus vite, avec le Hezbollah.
Il reste que l’intérêt de l’Iran, cet autre grand pays allié au Hamas et Hezbollah, placé depuis des années sous embargo américain, et qui ne cesse d’être en butte à des actes de sabotage israéliens et à des tentatives incessantes de déstabilisation, est d’empêcher la constitution de ce corridor.
C’est dans ce contexte géopolitique tendu, un contexte de colonisation dure dont souffre la population palestinienne, avec son cortège d’assassinats menés au grand jour par les soldats et les colons de civils palestiniens, de raids nocturnes contre les habitations et d’arrestations arbitraires, de détentions administratives sans jugement durant des années, que des commandos palestiniens ont réussi à abattre et à franchir le mur israélien, et à attaquer par ULM plusieurs colonies juives, ainsi qu’un festival de musique pour les jeunes qui se déroulait non loin de la frontière, après un intense bombardement.
Cet acte a constitué pour le gouvernement israélien un «casus belli», une raison de guerre, et depuis lors Gaza, soumise à un blocus sévère, privée d’eau, d’électricité, de médicaments et de ravitaillement, est bombardée d’une manière aveugle en violation de toutes les lois internationales par l’armée israélienne, en attendant un assaut décisif que l’on dit imminent, afin, selon ce qu’ont déclaré les généraux israéliens, extirper et écraser définitivement le Hamas.
L’Occident en ordre de bataille derrière les thèses israéliennes
Comme d’habitude, des voix se sont élevées pour affirmer que les Palestiniens avaient été victimes d’une provocation, un false flag afin de les amener là où le voulait le gouvernement israélien; c’est sous-estimer les compétences palestiniennes acquises dans la maîtrise de l’électronique et de l’informatique qui ont réussi à aveugler les détecteurs sophistiqués de leurs ennemis, et ce serait de la part du gouvernement israélien prendre un risque immense de se voir demander des comptes, assumer la responsabilité d’un désastre, et devoir démissionner face à la colère qui gronde déjà perceptible dans la population après la bataille menée durant de longs contre la remise en cause de l’indépendance de la Cour Suprême.
Pour en revenir à la situation actuelle, dans la bataille médiatique qui s’est alors enclenchée, dont l’enjeu est le soutien de l’opinion publique à «la solution finale» préconisée par le Premier ministre israélien avec le soutien effectif du président américain, les commandos palestiniens auteurs de l’attaque ont été qualifiés de terroristes parce qu’ils auraient assassiné des civils désarmés, plus d’un millier, dont des enfants en bas âge, 40, auraient été décapités; ils auraient violé des jeunes femmes en emmenant avec eux à Gaza des otages, plus d’une centaine.
Si les vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont bien révélé des maisons saccagées avec des traces de sang, et des sacs mortuaires, manipulés par les soldats, si des scènes de panique générale ont bien été visualisées, tournées probablement par les habitants des colonies attaquées, le reste des accusations n’a pas été corroboré bi prouvé. Au contraire, une israélienne interviewée a déclaré que les commandos avaient débarqué chez elle et qu’ils étaient repartis deux heures après sans causer aucun tort; ceci a été corroboré par un couple de vieillards déclarant que pour avoir refusé de marcher jusqu’à Gaza, les commandos les avaient relâchés.
Néanmoins, la presse internationale, les gouvernements européens avec les partis d’extrême-droite, les nationalistes hindous, le président Joe Biden, et bien sûr les organisations sionistes, se sont tous rangés en ordre de bataille derrière les thèses israéliennes, celles des terroristes palestiniens impitoyables et inhumains dignes de l’Isis (Daêch) auteurs d’un massacre prouvant leur volonté d’exterminer les juifs. Même la Ligue arabe a fait chorus.
Il est bien sûr encore trop tôt pour savoir ce qui s’est réellement passé. Néanmoins abstraction faite de la véracité des faits qui leur sont reprochés, les Palestiniens semblent redevables aux yeux de la presse et des médias occidentaux d’obligations morales qui ont, depuis plus de 50 ans, été épargnées aux Israéliens, en particulier aux colons des territoires. Spartacus s’était jadis soulevé contre Rome mais personne n’accuse les esclaves d’avoir été des terroristes pour avoir massacré leurs seigneurs; l’auteur juif Arthur Koestler en a même fait un roman.
Aujourd’hui, la résistance palestinienne est assimilée aux islamistes, ainsi que tous les manifestants brandissant les drapeaux palestiniens dans les capitales occidentales. L’extrême-droite a beau jeu d’appeler à l’expulsion de tous les musulmans d’Europe au prétexte de la menace qu’ils représenteraient.
Les deux millions d’habitants de Gaza déjà passés par pertes et profits
A Londres et à Paris les manifestations en faveur du peuple palestinien ont été interdites parce que jugées antisémites. Dans le même temps, personne ne se pose la question de savoir dans quel état les otages israéliens seront trouvés après les bombardements aveugles de Gaza; les deux millions d’habitants semblent en effet déjà passer par pertes et profits.
Il semble que le gouvernement israélien ait décidé, une fois de plus, de sacrifier ses concitoyens otages, comme il l’avait fait à Munich et à Maalot, en faisant porter la responsabilité du bain de sang aux Palestiniens, afin de réaliser ses objectifs politiques et stratégiques, avec le soutien international, tout en entretenant un climat de haine et de peur à l’encontre des Arabes et des musulmans, nécessaire à l’adhésion de sa propre population à sa politique criminelle.
Il faut donc que les Arabes et les musulmans réalisent une chose: ou ils se réveillent, ou ils iront rejoindre les Philistins, les Moabites, les Edomites, les Amalécites, ces peuples exterminés de la Bible, dans les oubliettes de l’Histoire.
* Médecin de libre pratique.
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