Le fait que deux jours après leur évasion de la prison de Mornaguia, de dangereux terroristes aient pu passer à l’action en dévalisant une agence bancaire non loin de Tunis et en s’évaporant de nouveau dans la nature a de quoi inquiéter les Tunisiens sur la suite des événements. Et comment ?
Par Imed Bahri
Deux des cinq dangereux terroristes évadés mercredi 1er novembre 2023 de la prison civile de Mornaguia seraient donc impliqués dans le hold-up d’une agence bancaire à Boumhel, quartier du gouvernorat de Ben Arous, dans la banlieue sud de Tunis, deux jours après leur évasion, vendredi 3 novembre.
C’est ce que la direction générale de la Garde nationale a indiqué dans un communiqué publié hier quelques heures après les faits, précisant que l’enquête technique menée par la brigade en charge du dossier avait révélé que l’identité des «auteurs présumés» du hold-up est bien celle des deux terroristes, dont les noms n’ont pas été révélés. A la lumière de ce constat, l’affaire du hold-up a été transmise à l’Unité nationale d’investigation sur les crimes terroristes, qui entreprendra les investigations nécessaires, ajoute le communiqué.
Dans une déclaration à l’agence Tap, le procureur près le tribunal de première instance de Ben Arous, Omar Yahiaoui, a indiqué, de son côté, qu’un groupe de personnes avaient pris d’assaut une banque et saisi une somme d’argent après avoir menacé les employés de l’établissement avec des armes blanches, des épées en l’occurrence, joujoux qu’affectionnent particulièrement les jihadistes.
Selon d’autres informations préliminaires, les assaillants ont réussi à dérober la somme 20 000 dinars. Une bagatelle certes, mais qui pourrait être une bonne entrée en matière pour des terroristes ambitieux et qui n’ont pas froid aux yeux.
Hier, pendant toute la journée, un impressionnant dispositif de sécurité auquel ont pris part plusieurs corps sécuritaires, y compris des hélicoptères de l’armée, était déployé dans toute la zone sud de la capitale.
Inquiétantes interrogations
Voilà pour les faits, mais ils suscitent d’inquiétantes interrogations chez les citoyens.
D’abord, le fait que plusieurs jours après l’évasion, dont les circonstances exactes restent inconnues – les autorités ayant préféré ne pas communiquer sur le sujet -, les cinq évadés restent introuvables, ce qui ne rassure point ni ne rehausse l’image des autorités sécuritaires qui cumulent ainsi les carences et les manquements.
D’ailleurs, à en croire le président de la république Kaïs Saïed, les évadés n’ont pas réussi à quitter la prison par leurs propres moyens, en sautant par-dessus les murailles, mais ont bénéficié d’un coup de main de la part de personnes à l’intérieur et à l’extérieur de la prison. Cette affirmation laisse planer des soupçons de complicités actives d’agents et de cadres des corps pénitencier et policier. De quoi inquiéter encore davantage les citoyens qui apprennent ainsi, par la voix de la plus haute autorité de l’Etat, que l’appareil sécuritaire national est infiltré par des… ennemis de l’Etat. De là à avoir froid au dos et à en perdre le sommeil…
Pour ne rien arranger, on apprend, dans la foulée, que les évadés sont encore dans le pays, qui plus est, à quelques encablures du siège du ministère de l’Intérieur, quelque part dans les zones montagneuses boisées autour de Hammam-lif, entre Boukornine et Jebel Ressas, sinon hébergés dans une maison située dans un quartier de cette zone particulièrement populeuse.
Manque d’assurance ou de compétence
Le fait que ces têtes brûlées de jihadistes, qui ont reçu pour certains des entraînements poussés dans des zones de jihad, en Libye et en Syrie, et qui ont même déjà commis des meurtres de sang froid, aient cru pouvoir quitter aussi vite leur cachette et commettre leur premier forfait, qui plus est en plein jour, sans craindre d’être rapidement arrêtés, prouve au moins deux choses : d’abord qu’ils bénéficient d’un soutien logistique sinon d’une protection spéciale qui les rend invisibles ou transparents ou inatteignables; ensuite qu’ils ont déjà planifié des actions terroristes et qu’ils ont commencé à les mettre en œuvre en allant chercher eux-mêmes l’argent nécessaire à l’achat des armes ou autres explosifs.
Ce sont là juste des hypothèses que nous inspirent les faits portés à notre connaissance par des sources officielles. Mais le manque d’assurance montré par les services sécuritaires et même par les plus hautes autorités de l’Etat nous oblige à sérieusement les envisager. Et à nous y préparer même, en tout cas à notre niveau personnel, en prenant des précautions dans tous nos déplacements dans le pays. Tout en espérant que cette psychose ne durera pas longtemps. La balle est dans le camp des… flics.
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