Au lieu de faire des gains de productivité, les 760 000 fonctionnaires tunisiens lèvent le pied pour produire moins durant le temps pour lequel ils sont payés, salaires, primes et avantages en nature liés. Ils livrent moins de services publics par heure travaillée. Et ce pour la troisième année consécutive.
Par Moktar Lamari *
L’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq) a publié ses résultats périodiques de la productivité dans les différents secteurs de l’économie tunisienne. Les données concernant l’administration publique sont dramatiques et en disent long sur ce que tout le monde pense tout bas.
Les données chronologiques sont résumées dans ce tableau où quasiment tous les indicateurs de productivité des fonctionnaires sont dans le rouge. Disons qu’au lieu de faire des gains de productivité, les 760 000 fonctionnaires lèvent le pied pour travailler et produire moins, pour le temps pour lequel ils sont payés, salaires, primes et avantages en nature liés.
La productivité du travail est en recul pour la troisième année de suite! Les fonctionnaires donnent le mauvais exemple. Dit simplement, on livre moins de services publics par heure travaillée.
La productivité du capital dans le secteur de l’administration publique est aussi en chute libre pour la 4e année d’affilée. Cela veut dire que les équipements (voiture de fonction entre autres) et les technologies à la disposition des fonctionnaires sont moins bien valorisés et utilisés pour les fins de la production des services publics.
On ne s’étonnera pas que la productivité globale des factures (agrégats mesurant le contexte institutionnel) soit aussi en recul pour trois ans de suite.
Ce dramatique constant n’a attiré aucun de nos illustres analystes des affaires publiques et de l’économie nationale. Va savoir pourquoi, on ne commente pas ces données dans les médias, et au sein des instances gouvernementales. On reste dans la ligne éditoriale pour ne pas parler des choses qui fâchent; ainsi on ne froisse personne, surtout pas nos fonctionnaires et notre pléthorique bureaucratie.
Mais qu’on le veuille ou non, les chiffres parlent d’eux mêmes! L’histoire en jugera.
Le sens de l’Etat et l’engagement pour le service public ne sont plus ce qu’ils étaient, et en ces temps de marasme économique, on doit fouetter les motivations et susciter la relance au lieu de se laisser faire entre sieste, fiesta et Coupe d’Afrique de football !
Mais qui le fera? Les syndicats, les élites, les économistes et les médias jouent la même partition: la productivité des fonctionnaires doit rester un sujet tabou, à occulter … pour ne pas perdre de l’audimat et surtout pas des votes aux prochaines élections présidentielles. Tant pis pour les payeurs de taxes et les citoyens bénéficiaires des services publics!
* Economiste universitaire.
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