Née à Montréal, au Québec en 1945, Denise Desautels est poète canadienne. Elle écrit entre mémoire, douleur et deuil, intimes et universels. Sa poésie est marquée par une conscience d’être une femme qui écrit, aussi, par passion pour les autres arts.
Première Québécoise publiée dans la coll. Poésie/Gallimard, elle a reçu le Prix Apollinaire 2022 pour Disparaître écrit autour de 11 œuvres de l’artiste Sylvie Cotton.
Tahar Bekri
avec toi, chère Etel
Tu dis Je suis nuit.
Tu dis Je laisse l’horizon gérer ma terreur.
Et je veux poursuivre avec toi
le temps de quelques vers
une conversation commencée ailleurs.
Avec une autre.
Ailleurs. Où l’autre te ressemble.
Toujours une indomptable beauté emmêlée
à ses doigts. À sa voix. Et pourtant toujours la nuit.
La mort et sa contemplation.
L’autre a réussi à taire un certain temps
ma terreur. Or nous n’avons jamais parlé
de la lune ni du soleil ensemble.
Ni de Prométhée ni de Zeus.
Quant à Io je l’ai fait mienne il y a des siècles.
L’autre lui ressemble aussi.
Io a déplacé certaines montagnes.
Comme tu dis Déplacer le silence.
Avec elle l’invention d’un futur
qui ne serait pas que brouillard. Qui permettrait
à des vagues de sons trop longtemps retenus
de percer l’écran. D’habiter la langue.
Même la plus noire.
Tu dis On s’échappe du présent en mourant.
Alors que le présent m’échappe. Qu’il m’offre
de plus en plus souvent des bras d’ombres.
Des essaims de cercueils.
Vivre m’échappe Etel.
J’aimerais tant ressentir ce que tu appelles
l’ennemi de la mort
une forme indomptable de vie.
Chez toi – malgré peur terreur cruauté
et petit pan gris perdu sur un imposant mur
de lumière – tout est délivrance.
Ta pensée s’épure et les yeux fermés
tu accueilles – désertée – chaleur mer sel et soleil.
Requiem même.
Je te lis jalouse Etel.
Apprends-moi à faire confiance aux intentions du temps.
À la nuit. À la disparition.
(Juin 2022)
(Remerciements à l’auteure)
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