La question du port du voile à l’école, et notamment par les adolescentes, ne cesse de s’inviter dans l’actualité et de susciter le débat sur la qualité de l’éducation que l’on offre aux élèves dans une société qui stigmatise le corps de la femme et nuit à sa représentation de soi.
Ikbal Gharbi *
Les réseaux sociaux tunisiens ont relaté l’épisode de la cérémonie tenue en classe par un enseignant à l’occasion du port du voile par l’une de ses élèves.
L’Observatoire national pour la défense du caractère civil de l’État a exprimé son étonnement, a critiqué la fête et a évoqué une atteinte à la neutralité des établissements scolaires.
La problématique du voile féminin est complexe. Personne ne prétend apporter des réponses définitives, néanmoins il est recommandable de mettre au jour les enjeux derrière le débat actuel.
À nos yeux, l’école demeure un lieu d’éducation des jeunes générations où la transmission du savoir et des connaissances est l’un des moyens. La finalité principale de cette institution est l’édification des liens citoyens, l’éducation au vivre ensemble, la communication respectueuse de l’autre, la tolérance sans complaisance et l’épanouissement de l’enfant.
Influence parentale et libre choix de l’enfant
La cérémonie festive à l’occasion du port du voile islamique d’une jeune adolescente a été exigée par le père de l’enfant. Or, dans nos sociétés arabo-musulmanes, la relation parent-enfant n’est pas égalitaire, les parents influencent leurs enfants, leur transmettent les valeurs dominantes, leur imposent des conditions et des pressions de tous ordres. Au regard du port du voile, il peut être extrêmement délicat, dans ce cas, de distinguer l’exercice de l’influence parentale et le libre choix de l’enfant.
L’école est un espace neutre où les élèves sont tous égaux pour vivre ensemble et apprendre dans les meilleures conditions possibles. Elle offre aussi les moyens de penser par soi même pour faire ses propres choix.
La responsabilité de l’école est, aussi, de développer l’estime de soi et de renforcer la confiance en soi chez nos enfants. Cette implication est accentuée durant la période de l’adolescence où l’élève est confronté à des questionnements et à des angoisses.
A l’adolescence, le corps en tant que source de changements physiologiques et de modifications hormonales, devient un motif d’anxiété car il devient insaisissable. Le jeune adolescent ressent que ni son corps qui est sa médiation avec le monde extérieur, ni sa propre réalité psychique ne sont sous son contrôle.
La dévaluation de l’image corporelle
Dans cette perspective, nous rappelons que nos sentiments éprouvés par rapport à notre image corporelle sont déterminants pour notre santé mentale et pour notre équilibre psychique. L’image corporelle se traduit généralement par la façon dont une personne perçoit son propre corps. C’est l’image qu’elle se fait d’elle-même et celle qu’elle croit projeter à l’extérieur. Une image corporelle positive permet de valoriser le corps comme il est dans sa diversité, tandis qu’une image corporelle négative traduit un malaise face à celui-ci et nuit à la représentation de soi.
En effet, une obsession pour l’image corporelle ou une dévalorisation du corps génèrent souvent l’apparition de symptômes nocifs pour la santé des jeunes comme le stress et l’anxiété, les difficultés de concentration ainsi que les troubles alimentaires.
Pour une jeune adolescente, le voile est un déni, une stigmatisation de ce corps en changement puisqu’il représente une conception restrictive de la pudeur qui s’applique uniquement aux femmes et pas aux hommes.
Au cours de cette période de crise, de fragilité et de quête de soi, les éducateurs doivent aider l’adolescent à développer une représentation positive de soi et à renforcer son estime de soi. Il est important de transmettre une pédagogie de la tolérance. A travers les cours d’empathie et de vivre ensemble, on pourrait enseigner l’acceptation des différences physiques, prendre conscience que chaque personne est unique, quelle que soit la forme de son corps, la taille de la silhouette, la couleur de sa peau… On peut expliquer la diversité corporelle, la multitude naturelle des apparences, la différence et le relativisme des critères et des représentations de la beauté afin d’aider les adolescents à avoir une relation saine avec leurs corps.
* Professeure à l’université de la Zitouna, Tunis.