L’Assyrie fut connue dans l’antiquité d’abord par son Etat organisé grâce à une administration et des scribes efficaces, ensuite par sa politique belliciste et expansionniste. Mais sur le plan politique elle fut une monarchie de droit divin dont le Roi était intronisé par la divinité, à la tête d’un empire multiculturel.
Dr Mounir Hanablia *
Que fut Assurbanipal? Certes un roi d’Assyrie du VIIe siècle avant l’ère universelle, un pays de langue sémitique situé entre les hautes vallées de l’Euphrate et du Tigre, aux pieds des plateaux iranien et d’Anatolie.
Assurbanipal dont la légitimité était issue de son appartenance à la famille royale fut nommé d’après Assur, le dieu de son pays, et c’était une habitude des Sémites de prénommer leurs enfants d’après leurs dieux, qui a persisté jusqu’à nos jours chez les Arabes et les Juifs.
C’était une autre coutume des rois de faire graver sur la pierre ou sur des tablettes de bois enrobées de cire ou sur des papyrus les récits de leurs exploits afin que leurs noms et leurs souvenirs persistent pour l’éternité. Mais contrairement aux autres rois dont les écrits ont été irrémédiablement perdus, Assurbanipal laissa à la postérité ses mémoires, qui semblent avoir servi de modèle au récit biblique, à moins qu’ils n’aient été établis selon un modèle commun, ne différant que selon la qualité du sujet principal du récit, le Roi inspiré par les dieux d’un côté et communiquant avec eux par le biais du rêve ou des devins, le Dieu inspirant les rois de l’autre.
Etat organisé, administration et scribes
Mais l’Assyrie fut connue dans l’antiquité d’abord par son Etat organisé grâce à une administration et des scribes efficaces, ensuite par sa politique belliciste et expansionniste. Mais sur le plan politique elle fut une monarchie de droit divin dont le Roi était intronisé par la divinité, à la tête d’un empire multiculturel. Il n’y eut jamais ni assemblée ni sénat. L’empire regroupait plusieurs entités ethniques dont l’Assyrie constituait l’élément dominant sur le plan politique alors que la Babylonie apportait les fondements culturel, religieux et littéraire nécessaire pour fédérer les peuples disparates du Croissant fertile, Araméens, Chaldéens, Akadiens, sous l’égide du Roi d’Assyrie.
Cependant, cet empire fut une théocratie; le Roi d’Assyrie se considérait comme le mandataire des principaux dieux, Assur, Nabu, Ishtar, chargé de rétablir l’ordre normal des choses émanant de la tradition. Et il se faisait l’interprète de leur volonté. Et il fallait, pour connaître leur volonté, des devins, des oracles, des astrologues, des exorcistes, aussi chargés de chasser et neutraliser les démons.
Dans ce monde empli de magie, le lien entre le Roi et ses sujets était consacré par le serment garanti par le ou les dieux invoqués, dont la trahison appelait la malédiction et la colère. Et chaque grand Dieu disposait de son temple accomplissant les sacrifices et recevant les offrandes, et était représenté par une idole richement parée ou pavoisée qu’un clergé consacré était chargé d’entretenir. Et habitude avait été prise d’introduire dans la demeure du grand Dieu ceux des peuples vaincus en tant que vassaux.
Néanmoins, le Dieu Marduk de Babylone, quoique vaincu, avait gardé en Assyrie tout son prestige, et la déesse Ishtar était devenue une divinité adorée aux quatre coins de la Mésopotamie. Et le roi en tant qu’exécuteur de la volonté divine faisait respecter un ordre économique et social dont la finalité était la prospérité générale grâce à l’agriculture.
Une politique expansionniste
Pourquoi, dans ces conditions, l’Assyrie adopta-t-elle une politique expansionniste qui l’amena à conquérir tout le Croissant fertile et la vallée de l’Egypte, et à déporter les peuples conquis avec leurs dieux en les dispersant aux quatre coins de l’empire?
Difficile d’y répondre! En tous cas les Assyriens ont été l’objet d’imprécations et de malédictions dans la Bible ce qui n’a rien d’étonnant puisque le Royaume d’Israël fut annexé et sa population déportée. Son Royaume frère de Judée se maintint près d’un siècle supplémentaire. A cette époque le Roi Josias décida de débarrasser le temple de Jérusalem de toutes ses idoles et de ne le destiner qu’à Yahweh, le dieu sans nom auquel tout enfant aîné devait être consacré, autrement dit sacrifié.
On se posera toujours la question de savoir pourquoi le seul récit qui fit florès, fut celui du Dieu d’un sanctuaire de second ordre comme il y en eut tant, débarrassé des représentations qui pouvaient le mener en captivité chez des peuples plus puissants, qui se proclama Roi d’un peuple pauvre de peu d’importance dont il fit son élu, et à qui il confia sa version de l’Histoire.
On ne saura pas non plus pourquoi le Moyen-Orient demeura le pays des peuples de langues sémitiques qui malgré leur influence civilisationnelle, en particulier grâce à l’écriture cunéiforme, ne réussirent jamais à s’implanter en Iran ou sur le plateau anatolien.
Enfin, on notera la présence des Arabes depuis les époques les plus reculées, parfois en tant qu’alliés, d’autres en tant que sujets, ou ennemis. Loin d’être étranger, l’Islam ne serait donc que le descendant le plus achevé des grands empires l’ayant précédé dans la région, auxquels il aurait emprunté son organisation politique et sa volonté unificatrice.
* Médecin de libre pratique.
‘‘Assurbanipal roi d’Assyrie’’, essai historique de Daniel Arnaud, éd. Fayard, Paris, 5 avril 2007, 314 pages.