La commission électorale ne se préoccupe pas outre mesure de l’ambiance délétère dans laquelle vont se dérouler les prochaines présidentielles, l’automne prochain, en Tunisie. Elle ne s’interroge pas non plus sur la légitimité qu’auront les résultats de ces élections dont seront privés plusieurs candidats à la candidature. C’est à croire que son rôle est purement technique, axé sur l’aspect organisationnel.
Imed Bahri
Conformément au décret présidentiel portant convocation des électeurs, les élections présidentielles se tiendront les 4, 5 et 6 octobre 2024 dans les circonscriptions électorales à l’étranger et le 6 octobre à l’intérieur du pays.
C’est ce qu’a fait savoir le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Farouk Bouasker, lors d’une conférence de presse jeudi 4 juillet à Tunis, ajoutant que l’inscription automatique des électeurs à l’intérieur du pays et à l’étranger sera effectuée pour tous ceux qui atteignent l’âge de 18 ans, le 5 octobre prochain.
Les candidatures seront acceptées à partir du 29 juillet à 8 heures jusqu’au 6 août à 18 heures, a encore ajouté Bouasker, en ajoutant que la campagne électorale à l’intérieur du pays est fixée du 14 septembre au 4 octobre 2024 à minuit, et à l’étranger du 12 septembre jau 2 octobre 2024.
Chebbi, Moussi, Mraihi et les autres
Les résultats préliminaires des élections présidentielles seront proclamés le 9 octobre et ceux définitifs le 9 novembre, a-t-il aussi annoncé, précisant qu’un second tour sera organisé, le cas échéant, entre les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix, après deux semaines de l’annonce des résultats définitifs.
Voilà pour l’aspect technique de l’organisation des élections, le seul qui semble retenir l’attention des membres de la commission électorale. Il reste l’aspect politique, mais cela ne les préoccupe pas outre mesure. L’ambiance délétère dans laquelle vont se dérouler ces élections avec plusieurs candidats à la candidature en prison (Issam Chebbi, Abir Moussi et Mohamed Lotfi Mraihi), d’autres en liberté provisoire puisqu’ils sont poursuivis en justice dans des affaires qui restent vagues (Abdellatif Mekki, Nizar Chaari), sans parler de ceux qui sont à l’étranger et qui ne courront pas le risque de rentrer au pays pour présenter leur candidature (Mondher Zenaidi), n’est visiblement pas du ressort de l’Isie, qui n’a pas d’avis à ce sujet : elle appliquera la loi, un point à la ligne.
Quelle légitimité auront les résultats de ces présidentielles eu égard l’atmosphère de suspicion généralisée dans laquelle elles vont avoir lieu, et qui tranchent clairement avec celle ayant prévalu au cours des précédentes en 2019, qui ont permis à un outsider, l’actuel président en l’occurrence, sans programme et sans parti pour porter sa candidature, d’accéder à la magistrature suprême?
Circulez, il n’y a rien à voir
En l’absence de véritable compétition, avec des candidats hors course avant même le départ, comment l’Isie va-t-elle faire pour mobiliser des électeurs qui ont montré, au cours des deux derniers scrutins (législatif et local), une démobilisation traduite par un record historique d’abstention (près de 90%), et qui risque d’être battu en octobre prochain? A ces questions, Farouk Bouasker et ses collègues n’ont apparemment pas de réponses. D’ailleurs, ils évitent de s’en encombrer l’esprit, concentrant leur attention sur l’aspect organisationnel et logistique de leur mission. Mais suffit-il d’éluder ces questions pour qu’elles cessent d’occuper l’opinion aussi bien intérieure qu’extérieure?
Le président de la république, qui sera très probablement candidat à sa propre succession, ne semble accorder, lui non plus, aucune importance à ces questions. L’essentiel pour lui, comme il ne cesse de le répéter, c’est que les rendez-vous électoraux se tiennent dans les délais réglementaires requis et que «les ennemis du peuple» ne passent pas. Et pour cela, le décor est déjà mis… Circulez, il n’y a rien à voir !