Si aujourd’hui les Arabes abandonnent Gaza et le Liban à leur triste sort, face à la barbarie de l’Etat d’Israël, il y a fort à parier que nul ne lèvera demain le petit doigt pour leur venir en aide lorsque leur tour viendra d’être attaqués. C’est une éventualité qu’ils feraient bien de méditer.
Dr Mounir Hanablia *
Les événements au Moyen-Orient se précipitent et se ressemblent. Après avoir détruit Gaza, Israël menace d’envahir le Sud Liban après l’avoir occupé durant 18 ans puis évacué pendant 24 ans en tentant de le réoccuper il y a 18 ans sans succès. Connaissant les Israéliens, il était prévisible que dès qu’ils se sentiraient assez forts ils n’hésiteraient pas à tenter d’effacer leurs échecs. Et même dès le début de la guerre à Gaza, l’ampleur des moyens militaires mis en œuvre et de l’aide financière débloquée par les Etats Unis d’Amérique laissaient prévoir que le Liban serait un objectif probable dans le programme belliqueux établi par l’État hébreu.
Le Hezbollah avait d’ailleurs bien compris tout cela, et dès le début n’avait pas hésité à demander l’arrêt de l’agression israélienne à Gaza, et à harceler le front nord de l’agresseur en le prenant à revers, obligeant sa population frontalière à évacuer ses habitations et imposant un no man’s land d’une dizaine de kilomètres de profondeur. Il a été appuyé pour cela par les Houthis du Yémen et les Ansar d’Irak dont les missiles ont occasionné quelque gêne aux bateaux en route pour le port d’Eilat.
Après Gaza, c’est au tour du sud-Liban
Cependant les attaques aériennes israéliennes associées aux renseignements fournis par les Américains, avaient quand même démontré une capacité de nuisance supérieure en assassinant des généraux iraniens dans leur consulat à Damas ainsi que le Palestinien Ismael Haniyeh, leader du Hamas lors de sa visite officielle à Téhéran, tout comme des membres du haut commandement de l’organisation chiite libanaise.
L’affaire de l’explosion des milliers de portables piégés semble n’avoir en fait que visé à remobiliser l’opinion israélienne autour du thème de la guerre en démontrant qu’après le fiasco sécuritaire de Gaza son armée avait repris l’initiative des opérations.
On peut considérer que l’assassinat du commandement de la brigade Al-Radhouane réuni dans les sous-sols d’un immeuble du sud de Beyrouth poursuit les mêmes objectifs, rétablir la confiance de la population israélienne dans son gouvernement tout en sapant celle des Libanais dans le Hezbollah. A mon avis c’était cela le but recherché par l’opération, l’arsenal du Hezbollah étant déjà déployé depuis des années avec ses objectifs militaires et ses modalités de combat certainement déjà définis en fonction des différents scénarios d’invasions possibles. Il est d’autant plus licite de le penser, que l’élimination du commandement d’Al-Radhouane est survenue immédiatement après l’un des plus intenses bombardements conduits par le Hezbollah contre le territoire israélien en réponse aux explosions des portables et traduisant dans les faits le discours de fermeté tenu par son chef Hassan Nasrallah un jour auparavant.
Est-ce que Israël envahira finalement le Liban dans le but de repousser le Hezbollah une quarantaine de kilomètres jusqu’à la rivière Litani afin de garantir la sécurité de sa population ainsi qu’il le prétend? C’est en tous cas le scénario imposé par Netanyahu dont il semble que l’armée ait longtemps résisté avant de l’accepter.
Tous les observateurs s’accordent en effet pour dire que l’armée israélienne n’ayant rien réalisé de ses objectifs en envahissant Gaza, et étant de surcroît usée par une année de combats, sa capacité à remplir la mission qui lui serait impartie au Liban paraît douteuse même s’il apparaît qu’elle est beaucoup mieux renseignée sur ses adversaires qu’elle ne l’était en 2006 lorsque ses chars déployés avaient été détruits comme dans un champ de tir aux canards. Mais connaître le dispositif de son adversaire est une chose, l’attaquer pour tenter de le déloger et le détruire en est une autre. Et pour peu qu’elle réalise finalement sa percée jusqu’à la rivière Litani, on ne voit pas ce qui empêcherait des missiles postés sur la rive opposée de frapper ses soldats et même la frontière nord de son pays.
On peut supposer que dans ce cas l’alliance sacrée se nouerait au nom de la défense de la patrie et que la Résistance libanaise retrouverait le statut qui avait été le sien et qu’elle semble avoir perdu puisqu’elle est accusée par ses rivaux de n’être rien de plus qu’un pion dans le jeu iranien.
A part cela, abstraction faite des missiles lourds capables d’occasionner des dégâts sérieux dans la profondeur du territoire israélien, force est de constater que les champs gaziers israéliens de Kimish et Leviathan constituent des cibles de choix pour d’éventuelles représailles, ce qui à l’heure où l’Europe privée de Gaz par la guerre en Ukraine a les plus grandes difficultés à assurer ses approvisionnements, peut induire des conséquences dramatiques sur l’ensemble de l’économie mondiale.
Absence totale de réaction des Arabes
On peut donc s’attendre en cas d’opération militaire à ce qu’elle survienne avant l’hiver, l’autre opportunité étant les élections présidentielles américaines et le désintérêt total de Biden à résoudre les problèmes de la région après avoir assuré la supériorité militaire de ses amis sionistes.
Le drame est que dans la soi- disant démocratie israélienne, Netanyahu appuyé par sa bande de colons voyous soit prêt à toutes les aventures pour conserver le pouvoir et échapper aux poursuites judiciaires qui l’attendent.
Dans tous les cas des figures, c’est l’absence totale de réactions des pays arabes qui doit être mentionnée. Israël a plus que démontré qu’il était à tout moment capable de remettre en question quelque traité de paix que ce soit pour n’importe quelle raison et que sa parole ne valait pas plus que l’encre et le papier avec lequel il était rédigé. Si aujourd’hui ils abandonnent Gaza et le Liban à leur triste sort, il y a fort à parier que nul ne lèvera demain le petit doigt pour leur venir en aide lorsque leur tour viendra d’être attaqués . C’est une éventualité qu’ils feraient bien de méditer.
* Médecin de libre pratique.