Ayachi Zammel, victime d’une improbable démocratie tunisienne  

Les opposants à Kaïs Saïed ont misé, sans trop y croire, sur une miraculeuse victoire de Ayachi Zammel à la présidentielle d’hier, dimanche 6 février 2024. Ils savaient pourtant que la machine étaient lancée et que rien ne pouvait l’arrêter… Aussi leur déception ne pouvait qu’être aggravée par la confirmation de toutes leurs appréhensions.

Ridha Kefi  

Le chef du parti Azimoun (Déterminés) était, il y a quelques mois, une personnalité politique de second plan. Homme d’affaires issu du pays profond auquel la réussite semble avoir donné des ailes, il a cru pouvoir mener une carrière politique. Elu à l’assemblée, il a été parmi les députés qui ont soutenu la proclamation de l’état d’exception par le président Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, avant de prendre conscience de la dérive autoritaire de ce dernier et de commencer à le critiquer, sans se défaire pour autant de sa bienveillante posture de soutien critique.

En présentant sa candidature à la présidentielle, sans trop se soucier des conditions controversées dans lesquelles allaient se dérouler le scrutin, Zammel a-t-il cru pouvoir profiter de l’exclusion (ou de l’écartement) des rares personnalités politiques pouvant se battre à armes égales avec Saïed, pour pousser son avantage et porter la voix d’une opposition affaiblie par l’emprisonnement de la plupart de ses chefs ?

On peut sérieusement le penser sans chercher à le vexer. Mais c’est de bonne guerre. Une élection, ça donne envie et ça suscite des vocations. Et celle de Zammel s’est révélée dans l’adversité, lorsque ses déboires judiciaires ont commencé juste après l’acceptation de sa candidature par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).

Incarcéré depuis plus d’un mois, poursuivi dans plusieurs procès pour falsification de parrainages, ses partisans peuvent continuer à dénoncer des procès politiques visant à l’empêcher d’accéder au Palais de Carthage, cela ne semble pas avoir impressionné les juges qui l’ont déjà condamné à plusieurs années de prison ferme. N’ayant pu faire campagne, le sondage de sortie des urnes réalisé par Sigma Conseil, dont les résultats ont été annoncés hier soir, l’a crédité d’un maigre score (6,9%) contre 89% pour le président sortant.

Certes, ces chiffres valent ce qu’ils valent et on peut toujours mettre en doute leur crédibilité – beaucoup l’ont d’ailleurs déjà fait – mais les faits sont là : que les dés aient été pipés ou non, ils sont bel et bien jetés. Et le tour est joué. Pour les Tunisiens, cela va de soi, qui vont avoir pour président, et pour cinq ans supplémentaires, un Kaïs Saïed qui ne semble pas prêt à lâcher du leste. Et pour le pauvre Zammel qui n’est pas au bout de ses peines, au propre et au figuré, qui s’ajoute au nombre des victimes d’une promesse de démocratie qui a viré à la démocrature.

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