17 octobre 1961 : une répression sanglante toujours occultée

Le 17 octobre 1961 reste une date sombre de l’histoire contemporaine française, souvent ignorée du grand public. Ce jour-là, des milliers d’Algériens vivant en France, répondant à l’appel du Front de libération nationale (FLN), se sont rassemblés dans les rues de Paris pour protester contre le couvre-feu discriminatoire imposé par le préfet de police, Maurice Papon. Ce couvre-feu visait exclusivement les «Français musulmans d’Algérie», au moment où la guerre d’indépendance battait son plein. La manifestation, pacifique, fut réprimée de manière extrêmement violente par les forces de l’ordre.

Djamal Guettala

Sous les ordres de Papon, la police parisienne se livra à une répression sans précédent. Les manifestants, hommes, femmes et enfants, furent pourchassés dans les rues, tabassés, arrêtés en masse et entassés dans des commissariats surchargés. Pire encore, de nombreux Algériens furent jetés dans la Seine, où ils périrent noyés. Les estimations des historiens varient, mais on parle de plusieurs dizaines de morts, certains évoquant même jusqu’à 200 victimes. Cet événement, longtemps occulté par les autorités, reste aujourd’hui une plaie ouverte dans l’histoire de France.

Un crime d’État non reconnu

Il a fallu attendre des décennies pour que cet événement soit abordé publiquement. Le silence des autorités françaises sur cette tragédie a contribué à l’effacement progressif de cette répression dans la mémoire collective. Ce n’est qu’en 1998 que  Papon fut mis en cause pour son rôle dans ces violences, après avoir été jugé et condamné pour son implication dans la déportation des Juifs sous le régime de Vichy.

Malgré quelques gestes symboliques, comme la plaque commémorative inaugurée en 2001 sur le pont Saint-Michel à Paris, la reconnaissance officielle de cette répression comme un crime d’État reste incomplète. Aucun haut responsable politique n’a formellement qualifié ces événements de massacre. Le 50e anniversaire, en 2011, a été l’occasion pour certaines associations et historiens de réclamer une véritable reconnaissance.

Des documents historiques révélateurs

Un récent ouvrage, mis en perspective par l’historien Gilles Manceron et Henri Pouillot, président de l’association Sortir du colonialisme, revient sur cette répression en s’appuyant sur des documents d’époque. Ces sources incluent le communiqué glaçant de Papon imposant le couvre-feu, des circulaires administratives détaillant les mesures discriminatoires, mais aussi des témoignages de policiers et d’appelés français choqués par les violences auxquelles ils ont assisté. Ces pièces permettent de mieux comprendre l’ampleur de la répression et d’éclairer les responsabilités.

La répression du 17 octobre 1961 soulève encore aujourd’hui des questions sur le rapport de la France à son passé colonial. Les appels à une reconnaissance officielle des violences commises en Algérie et en métropole se multiplient, et cet épisode tragique demeure emblématique des non-dits entourant la colonisation française. Les débats sur la mémoire coloniale et les revendications de justice historique sont plus que jamais d’actualité, alors que la société française continue de s’interroger sur son passé et ses héritages.

Le 17 octobre 1961 est un symbole douloureux d’une France qui peinait à admettre les réalités de la guerre d’Algérie et les violences commises au nom de l’ordre public. Alors que l’État tarde à reconnaître pleinement ces événements comme un crime d’État, l’ouverture des archives et les travaux d’historiens permettent de faire la lumière sur cette répression. Reste à savoir si cette reconnaissance pourra un jour être actée par les plus hautes autorités du pays.

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