Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, a fait sa première apparition médiatique depuis sa libération, le 12 novembre 2025, après une année de détention pour des propos jugés critiques envers le régime algérien. Dans un entretien diffusé sur France 2, le 23 novembre, il décrit avec précision et sobriété les épreuves qu’il a traversées, la prudence qui accompagne sa parole et les enjeux humains et politiques de sa libération.
Lors de cette première prise de parole, Sansal a évoqué son état de santé : il a été diagnostiqué d’un cancer de la prostate, reçu un traitement efficace et supervisé par des médecins dévoués. L’urgence médicale, combinée à son âge avancé, a été déterminante dans l’octroi de sa grâce présidentielle. Selon plusieurs sources, l’Allemagne et la France ont également joué un rôle diplomatique dans la médiation, assurant un suivi médical approprié et garantissant sa sécurité.
L’écrivain revient sur les premières heures de son arrestation à l’aéroport d’Alger : «Je ne savais pas qui m’arrêtait ni pourquoi. Pendant six jours, je n’ai eu aucun contact avec le monde extérieur», explique-t-il.
Sansal décrit ensuite la vie quotidienne en prison : fouilles incessantes, ordres arbitraires, isolement et humiliation permanente. Il souligne que le plus difficile n’était pas la routine, mais l’obligation de taire sa douleur. «On pleure seul, la nuit, dans sa tête», confie-t-il.
Malgré sa libération, Sansal reste prudent dans ses propos. Il craint pour sa famille et pour d’autres détenus politiques encore emprisonnés. Il évoque son dialogue téléphonique avec l’ancien ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, qu’il considère comme un ami et un soutien. «Avec ou sans son intervention, les autorités algériennes auraient agi de la même façon», précise-t-il.
L’écrivain plaide pour la réconciliation entre la France et l’Algérie, rappelant que cette étape aurait dû être franchie dès 1962, à l’instar du rapprochement franco-allemand après la Seconde Guerre mondiale. Selon lui, le manque de dialogue historique continue de peser sur les relations bilatérales.
Sansal souhaite également revenir en Algérie «au moins une fois» pour récupérer ses affaires personnelles — téléphone et ordinateur — qui contiennent vingt années de travail, symboles de sa mémoire intellectuelle et de sa carrière. Cette volonté traduit l’importance qu’il accorde à sa production littéraire et à son héritage culturel.
Enfin, l’écrivain rappelle la dimension universelle de l’emprisonnement : «Être prisonnier, c’est une humiliation», souligne-t-il. Son témoignage met en lumière la solitude, la violence psychologique et la résilience nécessaire pour survivre dans des conditions carcérales difficiles.
Cette apparition publique marque le retour d’une voix majeure dans le débat politique et intellectuel franco-algérien. Elle souligne à la fois la fragilité de la liberté d’expression et la nécessité d’une vigilance constante pour protéger les droits fondamentaux, tout en offrant un témoignage humain et lucide sur la vie en détention et les épreuves de la réconciliation.
Djamal Guettala



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